mercredi 6 mars 2013

La concurrence intra-européenne, cauchemar du BTP français

La concurrence intra-européenne, et notamment espagnole, nuit aux sociétés françaises du bâtiment.
Dans un contexte economique difficile, s'aligner sur un appel d'offres public proposé par des administrations aux moyens de plus en plus limités n'est déjà pas facile. Alors, quand en plus un concurrent étranger apparaît et propose un budget de 10 à 30 % moins cher, c'est carrément le cauchemar, un cauchemar qui ne cesse de prendre de l'ampleur, et dont les raisons et mécanismes sont pourtant parfaitement connus et identifiés.

Depuis le début de la crise économique, les cas de concurrence intra-européenne ne cessent de se multiplier. L’exemple du Sud-Ouest est particulièrement saisissant : double rocade d'Albi, piscine municipale de Foix, nouvelle ligne de tramway à Toulouse, l'ensemble de ces contrats ont été remportés par des sociétés espagnoles ou polonaises ! Et le phénomène ne fait que se renforcer. Face à l’effondrement de l’activité dans des pays comme l’Italie et l’Espagne, la France, même si elle connaît également un ralentissement, apparaît comme un véritable eldorado et attire les sociétés étrangers. Un manque à gagner de 12 millions € dans le Grand Sud, et un cauchemar pour les entreprises en survie !

La naissance d'une jurisprudence

Ce cauchemar, Atlantic Revêtement, une société de peinture de Bayonne, l'a vécu en 2012, lorsque la chambre des métiers des Pyrénées-Atlantiques a finalement choisi une société espagnole pour des travaux de ravalement. Mais la société basque s'est rebiffée. Invoquant un cas de concurrence déloyale, elle a porté l'affaire devant la justice et a obtenu le 19 février 2013 la condamnation, par le Tribunal Administratif de Pau, de la chambre des métiers et son mandataire, la Sepa, a payé une amende de 11 380 €, équivalent au bénéfice qu'elle aurait réalisé si elle avait obtenu le contrat.

L'issue de l'affaire est d'une importance capitale. Elle introduit une jurisprudence sur laquelle vont s'appuyer dans les mois à venir de nombreuses sociétés locales, récemment déboutées d'appels d'offres publics au profit d'entreprises étrangères. En effet, dans un contexte économique difficile, le cynisme de certains acteurs publics a du mal à passer. Ainsi, Joël Carreiras, président de la SMAT (Société de la Mobilité de l'Agglomération Toulousaine) explique dans un interview d'Objectif News que le choix de société Comsa est économique, permettant une économie de "700 à 800 000 euros par rapport aux estimations […] de ce chantier" d'un montant de 2,7 millions €. Des budgets impossibles à atteindre pour les sociétés locales !

Une concurrence réellement déloyale ?

Car si l'Union européenne permet évidemment la libre concurrence, y compris intra-européenne, elle oblige néanmoins les sociétés à respecter le droit du travail des Etats dans lesquels elles réalisent leurs prestations. Or, pour Bruno Dumas, président de la FFB Midi-Pyrénées, un "tel écart de prix (30 %)" ne peut se faire dans le cadre d'une concurrence égale. Comprendre que ces sociétés ne satisferaient pas aux contraintes du droit du travail français, une opinion partagée par le Tribunal Administratif de Pau. Il s'agit des conséquences indirectes de la directive européenne dite "Bolkestein", qui en facilitant les prestations entre Etats, favorise le dumping social. Ce n'est plus le "plombier polonais" qui inquiète les entreprises française, mais le "maçon espagnol" car il ne subit pas le même montant de charges, cotisations et taxes.

Responsabiliser le politique et les administrations

Comment alors accepter ce paradoxe d'une augmentation importante des défaillances d'entreprises et du chômage dans le secteur du BTP, alors que les prestataires de tous pays considèrent la France comme "l'Amérique" du bâtiment ? Et alors que le gouvernement se mobilise sur tous les fronts de l'emploi, des administrations locales dépensent l'argent public en prestations, dont la dimension illégale permet la compétitivité au détriment des travailleurs locaux ! S'il est injustifié d'en accuser totalement l'Union européenne, il est normal que les sociétés et les associations professionnelles s'interrogent sur ces pratiques et demandent plus de contrôles. Et réclament la responsabilisation des acteurs publics, quitte, pourquoi pas, à mettre en place des règles de préférences locales, justifiées par des aspects environnementaux (limitation de l'empreinte carbone), sociaux (préservation des emplois locaux) et juridiques (ou comment les impôts locaux retourneraient dans les poches d'une partie de ceux qui les payent). Sans exacerber les querelles de frontière, il est temps que le "local", dans toutes ses dimensions, revienne au premier plan des collectivités.

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