Building Information Modeling ou Maquette numérique du Bâtiment (source : buildipedia.com) |
Le BTP veut-il finir comme les taxis
parisiens, bousculés par des concurrents
innovants ? En effet, ces derniers utilisent parfaitement tout le
potentiel permis par la révolution
numérique afin de se créer une niche, d’empiéter sur le marché des taxis et
– de manière indirecte mais terriblement efficace – de mettre en exergue les conséquences
néfastes de leur corporatisme. Aussi, il faut le dire : ce qui détruit les taxis, ce n’est
pas la révolution numérique, c’est leur sclérose. Par conséquent, le BTP serait
bien inspiré de s’intéresser à la révolution en cours, au risque de péricliter
au profit d’acteurs innovants… et
redoutables.
La maquette
numérique, symbole visible mais peu généralisé.
La maquette numérique (ou BIM en anglais, Building
Information Model) est un concept très discuté en France, à défaut d’être
véritablement adopté par les acteurs du BTP. En 2013, lors du récent Batimat, pas moins de 42
conférences ont été consacrées au BIM, véritable tête d'affiche.
L'intérêt formel remonte à 2008, quand le CSTB a publié un livre
blanc concernant le projet
eXpert, fédérant à la fois les maîtres d’ouvrage, maîtres d’œuvre,
industriels, entreprises, organismes de formation mais aussi les éditeurs de
logiciels. A l’époque, comme aujourd’hui en fait, les gains retirés de la
généralisation du BIM sont nombreux et évidents : amélioration de la qualité, réduction des
coûts globaux et de la durée de construction, etc. Surtout, l’enjeu du BIM est la
rationalisation des pratiques de la filière, c’est-à-dire un saut qualitatif
dans la gestion de projet, dans un contexte exigeant concernant les défis
énergétiques et environnementaux. En effet, la complexification croissante des
réglementations couplée à la révolution numérique incitent fortement le BTP à
réaliser un grand bond en avant : pas seulement technique mais également
culturel.
La France et la
psychose du changement.
Cinq ans plus tard, il faut bien se rendre compte que la
maquette numérique reste peu développée (n’est-ce pas les architectes ?),
symbole des limites de notre pays : pratiques professionnelles de la
filière BTP trop diverses (l’expression « armée mexicaine » revient
dans certains propos de professionnels), travail collaboratif minime (défiance
entre les acteurs), sentiment d’un saut dans l’inconnu, temps d’adaptation trop
long en passant du papier au dessin
assisté par ordinateur, peur de perdre du savoir-faire et des prérogatives
au profit d’autres acteurs ou de « l’ordinateur », nouvelles méthodes
de travail à apprivoiser… sans parler des logiciels qui restent imparfaits.
Ainsi, le changement n’est en réalité pas seulement technique. Il est également
fonctionnel. Inconsciemment, la maquette numérique est vue comme une concurrence
alors qu’elle n'est qu'un outil. La peur du changement, ancré dans notre tempérament conservateur,
est une nouvelle fois dommageable alors que cela peut se traduire par de
nouveaux débouchés, un résultat gagnant pour toutes les parties prenantes.
Néanmoins, il ne faut pas désespérer. Le Plan
Bâtiment Durable a mis en place en mai 2013 un groupe
de travail sur la maquette numérique, afin de formaliser une méthodologie d’utilisation
à l’usage des maîtres d’ouvrage. En effet, un travail de normalisation s’impose
afin d’éviter une déperdition de moyens entre les nombreux
acteurs. Surtout lorsque des acteurs extérieurs au BTP fourbissent
leurs armes.
Bientôt une
révolution Google ?
Digne d’une histoire d’espionnage, des informations en
provenance de l’unité secrète en charge du développement des futurs produits du
géant californien (les Google
Glass viennent de là) ont fuité mi-octobre dans la presse. Ainsi, Google
aurait développé, depuis janvier 2011, une technologie liée au BIM (sorte de
plateforme collaborative appelée Genie) qui pourrait rapporter à l’entreprise
pas moins de 120
milliards de dollars par an, une fois implémentée par les acteurs du BTP.
Autant dire que si cela se réalise – certains
en doute – l’effet serait sans précédent concernant la conception des bâtiments jusqu’à la construction en elle-même. Au
vu de la puissance financière de Google et de sa capacité à créer des outils
ludiques et efficaces, on se dit que les résistances au changement propres au
BTP vont sévèrement se réduire. A l'exemple de la voiture sans conducteur (encore
Google) : celle-ci ne devrait pas seulement interpeller les constructeurs automobiles
mais également les acteurs des travaux publics car elle induit de repenser les infrastructures dans leur ensemble.
La révolution
numérique est multivectorielle.
La maquette numérique n'est qu'un résultat de la révolution numérique en cours. Et celle-ci prend diverses formes, selon les utilités envisagées, les outils proposés, etc. Concernant ces derniers, par exemple, qui peut croire que le
smartphone remplacera à terme le marteau, le crayon et la règle ? Et
pourtant… Certaines applications proposent déjà le fil
à plomb, le niveau à bulle mais aussi une règle. D’autres permettent de noter
sur vos photos toutes les mesures nécessaires pour un mur ou une
pièce, de gérer
vos projets et compte-rendu de chantier, de visualiser
vos projets de conception d’intérieur, etc.
Plus simplement, l’application smartphone permet de dépasser
son périmètre d’activité et se diversifier. Ainsi, dans la presse
professionnelle, le Groupe Moniteur propose Batiproduits, une application renvoyant à une base de
données des produits du bâtiment, quand ses concurrents (comme France
BTP) restent centrée sur l’information sectorielle.
Mais là encore, la révolution numérique va bien au-delà des applications smartphone. Ainsi, Lafarge utilise des puces RFID dans son béton. De fait, pourquoi ne pas imaginer un système mesurant l’humidité des murs ou leur degré d’isolation, ce qui faciliterait les travaux de rénovation tout au long de la durée de vie du bâtiment ?
Mais là encore, la révolution numérique va bien au-delà des applications smartphone. Ainsi, Lafarge utilise des puces RFID dans son béton. De fait, pourquoi ne pas imaginer un système mesurant l’humidité des murs ou leur degré d’isolation, ce qui faciliterait les travaux de rénovation tout au long de la durée de vie du bâtiment ?
Une appréciation
minimale d’Internet…
Même si la révolution numérique ne se résume pas seulement à
Internet, ce média a pris une telle ampleur dans le monde professionnel qu'il est inenvisageable de passer à côté. Or, ce qui est inquiétant dans le monde du BTP est que trop peu d’acteurs en utilisent
tout le potentiel. Internet ne peut plus dorénavant se réduire à un simple
outil pour rechercher des informations, comparer les prix ou acheter
directement en ligne certains produits. Il doit s’intégrer dans la stratégie de
l’entreprise. Or, beaucoup reste à faire dans le BTP. Combien d’acteurs ont déjà
pensé leur site comme un appui aux forces de vente et l’ont inséré dans leur
stratégie commerciale ? Combien d’acteurs ont-ils mis en place un simulateur
(de fenêtre par exemple) permettant de choisir les caractéristiques techniques,
le matériau… et, bien évidemment, la possibilité d’achat après devis ?
Au-delà de cet exemple simple et concret, les acteurs doivent valoriser leur site internet comme étant un centre de connaissance pour les personnes intéressées (professionnels ou particuliers) mais aussi un appui indéniable au réseau de vente. En outre, cela peut fédérer tout un ensemble de prestataires de services qui sont liés plus ou moins fortement à l’entreprise.
Au-delà de cet exemple simple et concret, les acteurs doivent valoriser leur site internet comme étant un centre de connaissance pour les personnes intéressées (professionnels ou particuliers) mais aussi un appui indéniable au réseau de vente. En outre, cela peut fédérer tout un ensemble de prestataires de services qui sont liés plus ou moins fortement à l’entreprise.
La nature ayant horreur du vide, certains acteurs en dehors
du secteur BTP pourraient en tirer profit, à l’image de Keltravo.com, dont le modèle d’activité est
d’être un intermédiaire entre les clients et les artisans qu’il référence. De
même, certains autoentrepreneurs (et les clients potentiels) ont compris tout l’intérêt
qu’ils pouvaient retirer des sites comme leboncoin.fr, au détriment
des professionnels.
Le contexte actuel de concurrence tous azimuts doit pousser
les acteurs du BTP à penser au-delà de leur secteur, par exemple en regardant
ce que fait la high tech et importer les idées novatrices en termes d’organisation,
de gestion de projet... Seule cette manière permettra d’atteindre les défis
énergétiques actuels (RT 2012, ville durable…) tout en créant des emplois – mais
aussi des services – à forte valeur ajoutée.
Crainte du pire avec
le Big Data ?
Or, la faible acuité du monde du BTP pour le numérique
laisse présager le pire avec l’avènement du Big Data. Déjà certains
pensent aux potentialités permises, notamment au travers de la simulation du
développement des villes. Qui le fait ? Les entreprises de BTP ? Non,
les éditeurs de logiciels, à l’image de Thalès avec Terra Dynamica, sa plateforme
d’animation comportementale 3D en temps réel et immersive. De même, Dassault
systems s’intéresse au BTP, en valorisant ses atouts : la gestion d’une
masse d’information, la complexité des paramètres à prendre en compte…
Ainsi, le numérique peut permettre au BTP de connaître une
révolution sans commune mesure avec les évolutions passées. L’imagination
est la seule limite. La valeur ajoutée ne viendra pas majoritairement de la
construction en elle-même mais de tout ce que le numérique permettra ensuite
dans la gestion du bâtiment. Le secteur est prévenu : s’il n’évolue pas,
de nouveaux entrants capteront la valeur ajoutée en proposant des
services/produits novateurs, faisant des acteurs historiques du BTP de simples
fournisseurs soumis entre eux à une forte concurrence.
La révolution numérique implique donc une révolution des
mentalités. Le BTP n’a pas le choix.
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