2014, l'année de la correction à la baisse pour les prix de l'immobilier en France ? (crédits : Jean-Paul Pélissier/Reuters) |
Alleluïa ! Selon une étude du réseau d'agences immobilières Century 21, les prix de l'immobilier continuent de baisser en France en 2013 ! Cinq ans après l'amorce de la baisse dans tous les autres pays européens, les prix du marché ont ainsi diminué de 1,8 % pour la moyenne nationale, et de 3,9 % à Paris. Mais est-il pour autant raisonnable de s'en réjouir aussi vite ? En effet, si la baisse est bien trop modeste pour parler d'un début de correction des prix, elle dissimule également les difficultés d'une industrie particulièrement disparate. Et dans ce contexte de crise, le marché de l'immobilier en France n'en est pas à une contradiction près.
Si l'on compare la situation française et celle de ses voisins européens, les prix de l'immobilier auraient également dû subir les contrecoups de la crise financière de 2008. Or, ces derniers ont continué d'augmenter de manière anormale jusqu'en 2011, faisant craindre l'explosion d'une "bulle" immobilière - comparable à ce qu'ont connu les Etats-Unis et l'Espagne - et qui n'aura finalement jamais lieu. Selon les travaux de l'économiste Jacques Friggit, la France est ainsi le pays occidental qui conserve le plus haut niveau de prix en 2013. Et ces derniers ne baissent que depuis le milieu de l'année 2011, alors qu'aux Etat-Unis, en Espagne, au Royaume-Uni ou encore aux Pays-Bas, ils se sont effondrés dès 2006 et 2008.
L'immobilier toujours surévalué
Comment expliquer cette anomalie ? Selon Jacques Friggit, elle tient dans la décorrélation entre l'évolution des prix de l'immobilier et celle des salaires. C'est pourquoi les spécialistes évoquent le terme de "correction" pour désigner le retour des prix à un niveau "normal", c'est-à-dire en rapport avec les revenus des ménages. Or, en France, les prix de l'immobilier serait surévalués de 35 %, pour des raisons multiples et parfois contradictoires :
- Facilités de financement : les taux d'intérêts bas et l'allongement de la durée des emprunts incitent les vendeurs à gonfler leur prix, sachant que les acheteurs potentiels sont peu réticents à prendre un crédit.
- Subventionnement à l'achat : émanant de l'Etat, il participe au gonflement artificiel des prix (cf. point précédent).
- Forte tension du marché : avec la crise financière, les investisseurs se sont tournés vers la pierre, alors que des phénomènes démographiques (augmentation du nombre des ménages en raison de la baisse tendancielle de la taille des ménages (célibat) ou encore du vieillissement de la population) renforcent la concurrence. De fait, la demande de logements demeure forte, bien que l'offre soit faible.
L'état du marché français est donc particulièrement contradictoire : certains éléments favorisent en effet l'achat (facilités de financement, subventionnement), mais d'autres le freinent considérablement, comme la pression fiscale, la concurrence entre les ménages pour l'achat d'un bien (tension du marché), ou encore la baisse du niveau de vie des ménages, pour des raisons conjoncturelles. Sans tenir compte de deux phénomènes grandissants : la sur-occupation lourde et le surpeuplement accentué. De fait, compte-tenu de l'augmentation des prix, les primo-accédants se retrouvent complètement exclus du marché immobilier, et il faut épargner 4,5 ans en 2012, contre 3 ans en moyenne, pour accéder à un logement. Et ce, alors que les salaires ont augmenté de 33,33 % et que les prix des logements anciens ont cru de 117 %, entre 2000 et 2012.
Loin d'être monolothique, l'ensemble de ces éléments génère une diversité de situation, en fonction des segments (disparités entre le neuf et l'ancien par exemple)
ou de la localisation géographique (province/région parisienne, régions
littorales/régions rurales du centre, etc.). Bien que ne bénéficiant pas des mêmes soutiens financiers que le neuf (dispositif Duflot), l'ancien résiste bien avec un nombre de transactions en hausse, car il demeure moins cher et plus attractif (notamment en terme de localisation (centre-ville), dans des zones dites "tendues" où le foncier est extrêmement cher.
Les différences sont encore plus palpables entre les régions. Outre le cas particulier de Paris, où la baisse des prix est franche avec - 3,9 %, les Pays de la Loire et la Normandie voient une baisse des prix supérieure à 5 %. A l'inverse, des régions comme l'Aquitaine, le Limousin, l'Auvergne ou Rhône-Alpes continuent d'enregistrer des hausses des prix des logements. Autre disparité géographique, les prix sont généralement plus surévalués dans les grandes villes : si Paris atteint des sommets, avec un prix moyen de 7 208 d'euros en 2010 (+ 128 %), les hausses les plus importantes lors de la dernière décennie sont à mettre au crédit de Lyon et Marseille, avec + 130 %, mais surtout de Toulon (+ 164 %) ! Ce phénomène se reflète également dans les apports moyens des primo-accédants : en 2012, ce dernier a ainsi atteint un montant de 50 000 euros en moyenne,
avec une pointe à 80 000 euros en Île-de-France et 200 000 euros à
Paris.
L'autre phénomène masqué par la baisse généralisée des prix de l'immobilier est les disparités croissantes entre les biens de qualité (bien situés ou ne nécessitant pas de travaux) et les logements de moindre qualité. Ainsi, sur le seul marché parisien, la tension du marché est telle que les prix des biens de qualité ont pu augmenter légèrement, alors que les autres biens ont connu des baisses pouvant aller jusqu'à - 10 %, selon les arrondissements ! Cette différence s'explique aussi par le fait que dans le contexte conjoncturel, les acheteurs sont plus attentistes et préfèrent investir dans des logements réellement attractifs.
La baisse des prix, une signe avant-coureur de la relance du marché immobilier ?
La baisse des prix est-elle une bonne nouvelle ? Oui, si elle est est bien une correction, visant à faire coïncider les prix de l'immobilier avec les revenus des ménages. Mais en réalité, la baisse des prix des logements résulte de la contraction du marché et de l'attentisme des acheteurs. De fait, si certains vendeurs - les plus pressés - ont réduit leur prix, la baisse vient en fait de la légère réduction du nombre de transactions. L'attentisme se retrouve également chez les vendeurs les moins pressés, qui espèrent un contexte plus favorable et anticipent une relance de l'économie, plutôt que de baisser leurs prix.
Ils ne faut donc pas attendre de 2014 un effondrement des prix. Pour les professionnels, plusieurs éléments assureront la stabilité du marché, comme une hausse limitée des crédits, des prix légèrement en baisse (mais toujours trop élevés...) et un attentisme constant des acteurs du marché. Rien de révolutionnaire donc...
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