Le brouillard se lève... à certains endroits (source : lavieeco.com)
Le bilan de
fin d’année 2014 avait déjà donné un aperçu de ce que serait l’année
2015 : une année
contrastée, avec un volume d’activités en reprise légère pour le bâtiment
mais toujours problématique pour les travaux publics. Certes, tout le monde s’accorde
à dire que « l’alignement des astres » (baisse du prix du pétrole,
politique monétaire accommodante de la BCE, baisse de l’Euro), sans oublier une
politique économique beaucoup plus compréhensive à l’égard des entreprises,
devraient permettre de recouvrer une vraie reprise pour l’économie française. Il
convient néanmoins d’actualiser notre analyse concernant le BTP.
Une situation toujours contrastée
Comme le dit
l’INSEE, au premier trimestre 2015, « l’emploi marchand augmente
légèrement (+8 200, après -5 700 au trimestre précédent). Toutefois, sur un an,
18 400 postes ont été supprimés dans les secteurs principalement marchands
(soit -0,1%). Pis, cette
vue générale ne doit pas cacher des différences profondes entre différents
secteurs. Pour faire court, la construction a connu une destruction de 10
900 postes au premier trimestre 2015 (et -12 900 au T4 2014), soit 48 300
postes sur un an (-3,5%).
Le recours
à l’intérim, indicateur généralement avancé pour observer une fin de crise
ou sa continuation, est toujours en baisse en avril 2015. Certes, la baisse est
moins prononcée que ces derniers mois. Mais le BTP est le seul secteur où le
recours à l’emploi intérimaire demeure en forte baisse.
Pourtant, les
prévisions actualisées de la FFB semblent optimistes. Au moins les autorisations de mises en chantier ne
chutent plus. Quant à la reprise sur le marché des travaux d’amélioration-entretien,
il est nécessaire de l’accompagner, notamment via des simplifications
nécessaires et le maintien des aides publiques. Ainsi, la rénovation
énergétique résiste au marasme, grâce au diptyque vieillissement des
logements et aides publiques. Toutefois, celles-ci sont couplées à la
réalisation des travaux par des entreprises qualifiées RGE (malgré
ses limites).
Inversement,
la CAPEB adopte un discours à l’image de la réalité : difficile. Ainsi, l’activité
de l’artisanat marque encore un recul de -3% au 1er trimestre 2015
par rapport au T4 2014. Plus précisément, « cette dégradation s’explique,
comme au trimestre précédent, par une chute de 6% de la construction neuve
(après 6,5% au 4ème trimestre 2014) et par la baisse modérée de l’activité d’entretien-amélioration avec
-1%. Malheureusement, le retour de croissance des travaux de performance
énergétique qui affichent une hausse d’activité de +0,5% (après deux trimestres
en recul) ne suffit pas à redynamiser l’activité d’entretien-rénovation ».
La trésorerie des entreprises est donc particulièrement tendue.
Un constat partout identique
Quelles que
soient les régions, il faut reconnaître une légère amélioration de la situation
économique… sauf pour le BTP. Et au sein du secteur, il y a une vraie
différence entre le bâtiment et les travaux publics. De même, au sein du
bâtiment, la rénovation se porte bien mieux que la construction neuve.
Le constat
est le même partout : dans les Vosges, en
Corse,
en Guyane,
en Haute-Savoie
ou encore en Vendée où la lettre d’un menuisier au président de la République a
fait la Une des médias.
La dernière
étude Euler Hermes est venue confirmer – s’il le fallait – le manque de
débouchés que connaissent les entreprises du BTP. Pour 39% des entreprises
interrogées, il est l’obstacle le plus important, suivi par les pressions pour
baisser les prix. Devant ce constat, pas étonnant que seulement 21% des
entreprises du secteur envisagent d’investir.
Et l’investissement n’est plus là pour relancer la machine, notamment pour les travaux publics.
Ainsi, l’Association des maires de France a quantifié l’effet
de la réduction des dotations aux collectivités locales. Pas de mystère :
la baisse de 1,5 milliard d’euros de 2014 a provoqué une baisse de 14% de l’investissement
des communes et de 7% des intercommunalités.
Ainsi, la
fédération nationale ne peut que constater les dégâts : la chute est
de 11,7% en euros courants par rapport à la même période en 2014 !
« Le recul est également marqué pour les marchés conclus, qui se
contractent de 12,8% par rapport à avril 2014 et de 17,1% depuis le début de l’année ».
Le secteur
est clairement sinistré et personne n’en voit la fin, ce qui ne
veut pas dire que les pistes de sortie n’existent pas. Cela nécessite
coordination, définition des priorités et décisions courageuses.
Le CICE, cette escroquerie
La politique
économique gouvernementale nous réserve des surprises, dont on peine à savoir s’il
faut en rire ou en pleurer. Le crédit d’impôt pour l’emploi et la
compétitivité, le fameux CICE), en est une. Celui-ci a représenté 8,7 milliards
d’euros sur l’année 2014. Très bien pour les entreprises dirons-nous ? Et bien non. Le taux
de marge des entreprises françaises (ou excédent brut d’exploitation) a
atteint 29,7 % de la valeur ajoutée en 2014… contre 29,8 % en 2013.
Plus grave, en
citant la Direction
générale des Finances publiques, les bénéficiaires n’en font en aucun
cas une utilisation pour l’emploi ou la compétitivité ! En effet, le CICE est
réparti de la manière suivante : 10,9% seulement pour les microentreprises,
31% pour les PME, 22,5% pour les ETI et 35,2% pour les grands groupes. Avec en
tête La Poste… En 2013, l’entreprise a reçu 297 millions d’euros, 352 millions
d’euros en 2014 et devrait recevoir 341 millions en 2015. Cherchez l’erreur… D’une
part, en rien son activité n’est orientée vers la production comme peut l’être
l’industrie ou le BTP. D’autre part, elle est peu soumise aux aléas de la
concurrence internationale. Pour finir, ses effectifs ont fondu de près de
7 000 personnes entre 2013 et 2014 ?!
La note de
la Fondation
pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques
(IFRAP) est éloquente à ce sujet. On peut ne pas être d’accord sur l’analyse et
les conclusions, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Le CICE n’est qu’une « tartufferie ».
Alors qu’il serait nettement plus
efficace de renforcer l’apprentissage, c’est-à-dire d’aider directement les
artisans et PME dans le secteur productif.
La situation
est donc tendue mais le fatalisme ne peut être la solution. A chaque crise, des
solutions nouvelles apparaissent, des énergies se regroupent. En clair, du
besoin naît l’innovation. Des signaux positifs pointent. Ainsi, selon l’Unédic,
le chômage baissera au second semestre 2015 et en 2016, même si la
baisse sera limitée et en trompe l’œil, avec un bond des personnes en
activités réduites. Bref, des emplois précaires ou aidés. Mais des emplois quand
même. On garde le moral comme on peut.
Nous suivre sur Twitter : @Bati2030
Pour
compléter
- Les notes conjoncturelles au premier trimestre 2015 de la Fédération française du bâtiment et de la Confédération de l’Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment.
- Un article très intéressant sur « les faillites à la chaîne, un mal pernicieux de la construction », concernant la Suisse.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
N'hésitez pas à poster vos commentaires et avis !