François Hollande, contemplant le désastre dans le secteur du BTP (source : La nouvelle république)
[MESSAGE DE SERVICE : absent
de ce blog et sur Twitter depuis un peu moins de deux ans, pour raisons
professionnelles, je reprends au fil de l’eau mes analyses. Beaucoup de choses
ont changé entre temps, dans le secteur, sauf une : le site de la Fédération
Française du Bâtiment, toujours aussi vieillot et has been. Un signe,
non ?]
Est-il permis de dire que le
secteur de la construction a été le plus maltraité durant ce quinquennat ? Au
fond du trou depuis 2012, date de l’arrivée de François Hollande à l’Elysée, le
BTP remonte lentement la pente et semble voir le bout du tunnel. Mais les
dégâts sont importants : destruction d’emplois, faillites d’entreprises et
autres paradoxes non résolus à l’image des travailleurs détachés.
Les principaux candidats à la
présidentielle devraient en faire un enjeu national, un combat de tous les
instants… Qu’en est-il ? La comparaison avec l’agriculture, secteur bien
moins important que la construction, est cruelle. Les professionnels et
organisations syndicales ont su créer un évènement annuel où les responsables
politiques se pressent. Un salon de l’agriculture, à la fois créateur de liens
avec la population, d’influence, de notoriété. Quant
à Batimat… A deux mois de la présidentielle,
état des lieux sur un secteur crucial de l’économie française.
Trois
ministres !
Quel secteur peut s’enorgueillir
d’avoir eu trois ministres en cinq ans ? Quel autre maroquin d’importance a-t-il
été détenu par des personnes nommées là au gré de l’agenda politique ?
- Cécile Duflot d’abord, de 2012 à 2014, estampillée EELV : nommée suite à l’alliance PS-EELV pour les élections législatives et présidentielles.
- Sylvia Pinel ensuite, de 2014 à 2016, du Parti radical de gauche : nommée afin de resserrer la majorité présidentielle (sous-entendu le PS et les Radicaux) lors de la nomination de Manuel Valls comme premier ministre. EELV avait alors claqué la porte du gouvernement.
- Emmanuelle Cosse pour finir, depuis février 2016, transfuge d’EELV et dorénavant membre du fantomatique Parti écologiste. A l’époque, François Hollande se voyait encore candidat possible et se devait de créer un noyau dur d’alliés (plus ou moins sincères).
Alors que la construction aurait pu
être une locomotive économique de ce quinquennat, le secteur n’a finalement été
qu’un boulet trainé sur presque la totalité des cinq années. La nomination de
Cécile Duflot aurait dû s’accompagner d’une politique de relance avec,
évidemment, des garde-fous. Les deux années ont finalement été un cauchemar,
une véritable saignée comme le secteur avait rarement vu. La
faute à Duflot ? En étant ministre, la responsabilité lui en incombe.
Puis arrive Sylvia Pinel, un peu
par hasard, chargée des applications ET des dérogations des lois précédemment
votées, notamment la loi ALUR. Auparavant au ministère de l’Artisanat, du
Commerce et du Tourisme, elle n’a pas laissé un souvenir impérissable. Nombreux
s’interrogeaient, à l’époque, sur sa montée en grade au sein d’un ministère
de plein exercice sur un enjeu économique et politique essentiel. Le
bilan ? Plat.
Quant à Emmanuelle Cosse, nommée
en février 2016 dans un imbroglio
politique que seul EELV peut connaître, elle comprend rapidement le peu de
marge de manœuvre qu’elle a, à l’image d’un gouvernement et d’un président en
fin de cycle. Et ce, une grosse année avant la campagne présidentielle. Il y a
des signes qui ne trompent pas.
Comment, dès lors, ne pas y voir
une forme (au choix) de condescendance, d’incompétence, d’ignorance, de la part
de François Hollande, pour un secteur aussi stratégique ?
Des chiffres qui font mal mais l’espoir revient
Après avoir touché le fond en
2014-2015, le climat des
affaires remonte graduellement depuis l’automne 2015. L’indicateur de
février 2017 revient tout juste au niveau de celui de… printemps 2012. Idem
pour le taux d’utilisation des capacités de production. Autant dire que cela
reste faible.
L’année 2016
marque néanmoins une année de croissance et 2017 est plein d’espoir. Il
faut voir la tendance et non pas se focaliser sur les chiffres bruts. Le
redémarrage de l’activité est confirmé et l’emploi s’est stabilisé en fin d’année
dernière. Certes, après 20
trimestres de baisse consécutifs. Un gouffre !
Le marasme est tel que certains
parlent même d’euphorie sur le marché de la construction. Mais là encore, on
peut voir le verre à moitié plein ou à moitié vide. « Pour la Fédération des promoteurs, la forte
croissance du marché constatée depuis deux ans résulte aussi d’un effet de
rattrapage des mauvaises années que furent 2013 et 2014 (moins de 100 000
ventes au global). Elle estime également que les 148 618 ventes de l’an dernier
ne couvrent pas des besoins estimés à 200 000 logements issus de la promotion
privée ».
Toutefois, le pire reste le flou
persistant. La lecture attentive des indices concernant les opinions des entrepreneurs
ne trompe pas. Au fil des mois, cela change du tout au tout. Une hausse suit
une baisse plus ou moins importante, etc. Et tout le monde sait qu’un manque de
confiance n’incite pas aux investissements.
Heureusement, l’élection présidentielle
et l’intérêt des différents candidats, pour un secteur stratégique pour l’économie
française et le bien-être de la population, devraient permettre de clarifier
certaines choses. Bref, donner des axes et une vision claire à un secteur en
manque de repères.
Le débat
politique ? Quel débat politique ?
La médiocrité du débat politique,
marqué par les petites phrases et la rocambolesque affaire Fillon, fait de
nombreuses victimes, notamment le secteur de la construction. Pourtant, les
sujets de discussions, de réflexions et de propositions ne manquent pas :
du système bureaucratique d’instruction des permis de construire/rénover, en
passant par les normes, les tactiques de rétention foncière des uns et des
autres, la problématique des moyens de financement des ménages, la fiscalité,
le travail au noir, les travailleurs détachés, les technologies au service du
BTP, la thématique du développement durable…
La construction est au cœur de
notre futur. Et pourtant ! Pour reprendre les propos
de Catherine Sabbah, « autant de sujets
à soumettre aux candidats à l’élection présidentielle qui, pour l’instant,
semblent se soucier comme d’une guigne du logement des Français ».
Pourtant, la FFB avait posé les
jalons de la discussion, dès septembre 2016, en publiant « Reconstruire
la France ». Rapport-bilan du quinquennat qui s’achève, la publication
visait surtout à « s’impliquer le plus
en amont possible dans les débats électoraux de l’élection présidentielle 2017 ».
Qu’en est-il ? Dans le débat public, les média ? Rien. Reste à se
plonger dans les programmes des candidats.
Ceux-ci restent d’une grande
généralité/banalité, focalisé sur le logement, avec une éternelle rengaine d’arguments
idéologiques, sans articulations opérationnelles. Il ne semble pas y avoir de
réflexion transversale sur ce qu’est le secteur de la construction dans son
ensemble, ni comment relever les défis de ce secteur au regard de ceux du pays.
Par exemple, en termes de développement durable ou sur la question de la
digitalisation de l’économie (sans parler de l'emploi ou de la formation des salariés).
Le logement reste un produit d’appel,
d’un point de vue électoral, où chaque candidat va enrober d’arguties les
mots-clés que son électorat veut entendre : fiscalité, logement social,
propriété, décentralisation, exclusion…
- François Fillon a tellement travailler le sujet que ses nombreuses propositions (et leur chiffrage) sont prêtes depuis novembre 2015… et publié par son comité de soutien.
- Benoît Hamon copie-colle en 140 caractères les thématiques PS-EELV, ce qui donne : rénovation énergétique, logement social et lutte contre l’exclusion.
- Marine Le Pen replace ses quelques propositions (138 à 144) concernant le logement dans la thématique ruralité-nationalité, sans oublier la chasse aux normes.
- Emmanuel Macron fait du Macron. Il veut « concentrer les moyens là où ils sont vraiment nécessaires ». Mais concrètement ?
- Jean-Luc Mélenchon propose un « logement universel et durable », ce qui veut dire : non aux expulsions, non à la spéculation foncière, non aux propriétaires (qui sont méchants, évidemment).
Au regard de cette vacuité, les
professionnels du secteur en sont réduits à attendre la fin de l’été pour
savoir à quoi s’en tenir. Six mois, ça va être long.
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