Des immeubles en bois ? Partout ? (source : annecystructures.com)
Le BTP est concerné par les
enjeux liés au changement climatique, d’un point de vue micro comme
macro : développement de l’autoconsommation, performance énergétique des
bâtiments, développement de la voiture électrique, projets d’infrastructure et
urbanisme…
Le prisme « changement
climatique » peut également s’appliquer aux matériaux de construction,
comme le bois. Cette ressource a toujours connu quelques succès sans pour
autant déclencher un mouvement de fond dans sa valorisation. Une certaine réticence existait et existe toujours, bien identifiée par différents acteurs
institutionnels et professionnels. En clair, faire les gros titres régulièrement, c'est bien. S'organiser, structurer une vraie filière, c'est (beaucoup) mieux.
Le problème est à la fois
culturel et structurel, ancré dans les consciences des opérateurs comme des
donneurs d’ordre (privés ou publics, entreprises et particuliers) : on
préfère le béton et la brique, le bois brûle, le cadre normatif reste inadéquat
au bois, etc. Pis, alors que la France a des forêts – donc de la matière
première de qualité – la filière construction bois reste atomisée (en partant de l'hypothèse qu'elle existe...), en recherche
d’une dynamique. Une énième a été impulsée en 2014. Pour quels résultats ? Revue de
détails.
Un marché hétérogène, des forces contraires
Le premier déterminant du soutien
d’une filière reste en premier lieu la dynamique du marché, les débouchés. L’importance
est cruciale alors que le marché du bâtiment en bois, dans son ensemble,
représente tout au plus 1,683 milliard d’euros HT en 2016 : en baisse de 11% par rapport à 2014, pour un peu moins de 2 000 entreprises et
12 820 emplois (-13% sur la période).
Or, le principal marché est celui
des maisons individuelles, qui se rétracte de plus de 14% entre 2014 et 2016,
selon l’excellente enquête nationale réalisée par l’interprofession de la
filière forêt bois en mai 2017. Après six années de croissance, ce marché subit
un très net ralentissement, en décalage de trois ans par rapport au reste du
secteur du bâtiment. Ce qui est problématique quand on sait que ce marché
représente la moitié de l’activité du secteur.
On le voit, le bois reste un marché de niche, que la filière bois n'a jamais réussi à développer. Un big bang s'imposait donc.
Un problème d’image réglé ?
Dans un monde contemporain où
prédominent les enjeux de communication, le savoir-faire n’est rien sans
faire-savoir. Appliqué au bois, on serait tenté de penser que la filière a un
problème d’image : elle n’est pas tendance, alors que la question du
changement climatique, de la localisation des emplois, le rapport à la nature…
devraient mettre le bois sur le devant de la scène.
Les choses changent,
graduellement, notamment grâce aux municipalités, acteurs souvent oubliés du
changement. En effet, divers projets de grandes tours d’habitations ou d’infrastructures
en bois sont annoncés pour les prochaines années, notamment en France. L’Etat, également, a impulsé une tendance positive avec un appel à manifestation d’intérêt, en juin 2016, pour trouver des collectivités
susceptibles d’accueillir des immeubles de grande hauteur en bois.
De plus, les innovations, les
améliorations dans les techniques de production de bois lamellé collé/croisé,
les idées des architectes, les désidératas des donneurs d’ordre… créent un boom
sans précédent dans les projets de construction. Des projets qui, s’ils se
réalisent, seraient capable de casser les freins psychologiques tout en
permettant aux constructeurs de gagner en compétences, gage de réduction des
coûts.
Preuve qu’une vraie dynamique s’enclenche,
Bordeaux, fer de lance national sur la question, va accueillir le premier sommet mondial de la construction en bois de grande
hauteur, Woodrise, en septembre 2017. Le bois
comme matériau constitutif de la ville durable : quoi de mieux comme
message ?
Filières bois et
construction bois : une prise de conscience commune
Les initiatives des municipalités
sont un bon moyen de structurer la filière (l'obliger à bouger, enfin) et donner de la visibilité (pour des
contrats) mais également de la publicité (image de marque) aux entreprises.
Fait notable : ces initiatives s’articulent avec la stratégie étatique. En effet, un constat commun est fait par les acteurs, quels qu’ils soient, afin de mener un vrai travail de fond. Lors du dernier contrat de filière forêt-bois, signé en 2014, les représentants notent que celle-ci créée « 60 milliards d’euros de chiffre d’affaires » sur des marchés très différents.
Fait notable : ces initiatives s’articulent avec la stratégie étatique. En effet, un constat commun est fait par les acteurs, quels qu’ils soient, afin de mener un vrai travail de fond. Lors du dernier contrat de filière forêt-bois, signé en 2014, les représentants notent que celle-ci créée « 60 milliards d’euros de chiffre d’affaires » sur des marchés très différents.
Or, le segment « charpentes
menuiseries ossatures » représente une part marginale de l’ensemble
comparativement aux segments « papier-carton » (19,3 milliards de
chiffre d’affaires) et « meubles bois » (6,3 milliards). Malgré un
appel d’air pour la construction bois, la dynamique est faible. Les auteurs du
rapport en conviennent, et dit en des termes très diplomatiques : il existe un « retard français de la construction-bois en marché et systèmes de
construction en comparaison des pays concurrents voisins (marché structuré sur
les normes du bois d’importation) ». Et ce, alors que des tensions
existent en termes de quantité et qualité de bois disponibles pour la
construction.
En effet, « le matériau de base du lamellé-collé, l’épicéa,
est importé à 90%, principalement de Scandinavie, car le bois des forêts du
Nord de l’Europe, plus dense, supporte davantage de poids... mais aussi parce
que la filière bois française, peu structurée, fournit peu de produits usinés.
Dans les années à venir, le douglas, le hêtre, le peuplier et le chêne français
devraient être davantage valorisés, avec le soutien de l’Etat qui voit dans le
bois une filière d’avenir ».
Ainsi, la création du comité
stratégique de filière bois en mars 2014, qui est le 14ème comité
stratégique du Conseil National de l’Industrie, est une réponse
institutionnelle à ces limites. Quant à ADIVbois, association pour le
Développement des Immeubles à Vivre Bois, elle porte
le Plan Nouvelle France Industrielle, intégré dans le Plan Industrie du Futur (axe
ville durable). Avec comme défi premier : construire le pilotage stratégique de la filière afin d’articuler/simplifier les différents programmes
(nationaux, régionaux, etc.) de valorisation du bois. Une analyse, si ce n'est déjà fait, des stratégies suédoises et finlandaises en la matière, afin d'appliquer certaines de leurs réussites en France, serait également appréciable.
De fait, la prise de conscience et le travail en commun
initient une dynamique qui, jusque-là, faisait défaut : des acteurs qui jouent le chacun pour soi, un défaut de stratégie nationale, etc. Or, actuellement, la
visibilité stratégique et la création de grands évènements (comme Woodrise) donnent des envies aux industriels du secteur. Les plans d’investissement
en capacité émergent ici et là, afin de doter la France d’une industrie
construction bois digne de ce nom. Avec pour objectif de ne plus être
exportateur de matière première et importateur de produits transformés. Mais bien un acteur européen, capable de répondre à des défis industriels, économiques et environnementaux.
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