La rénovation énergétique est-elle le phénix qui naît des ruines du secteur en crise ? (crédit : nicolaspont.fr) |
La situation économique désastreuse du secteur du bâtiment en France peut-elle encore être qualifiée de crise ? En effet, le concept de crise suppose un changement brutal de la conjoncture (à la baisse), dont les conséquences sur l'économie en général et le BTP en particulier peuvent être plus ou moins longues. Mais après six ans de répliques du séisme économique de la "crise" des subprimes de 2008, il semble que le terme ne soit plus adapté pour qualifier la dépression dont souffre le BTP. Pis, il semble même y avoir des causes plus lointaines, profondes et durables. A tel point que les analystes doutent que le redémarrage de la croissance puisse entraîner celui du secteur. Dans ce contexte, un seul anxiolytique semble faire ses preuves : la rénovation énergétique.
Plus la crise s'éloigne, et plus la situation semble empirer. Le scénario catastrophe, évoqué par Alexandre Mirlicourtois, directeur de la conjoncture et de la prévision chez Xerfi, apparaît déjà comme une suite logique, tant l'optimisme de la relance annoncée a été éteint par les derniers résultats publiés. Si les ventes des promoteurs ont légèrement frémi, avec une hausse de 3%, elles restent très basses comparées à celles de 2010 (-36%) ! De manière générale, l'offre de logements neufs continue de diminuer, selon les derniers chiffres de l'Observatoire de la Fédération des Promoteurs Immobiliers (FPI), avec une chute de 17,2% en 2013 (soit -38% par rapport à 2010). Les résultats du premier trimestre 2014 montrent toutefois que ce chiffre se stabilise, avec une baisse très légère de 0,6%. Signe des temps, les ventes en accession, qui représentaient 60% du marché en 2013, se sont effondrées dans la même période de 5,7%. Selon les prévisions, ce sont les ventes à investisseurs qui représenteront la majorité des ventes en 2014 (contre 40% en 2013). La confiance des particuliers aussi est en berne.
Le Messie : la rénovation énergétique ?
Pour Alexandre Mirlicourtois, ce marasme se résume en une phrase : "Chute de 41% des transactions, prix laminés après dix années ininterrompues de fortes hausses avec à la clé des biens qui ont perdu 10% de leur valeur sur un an, plus de 31% sur six ans et qui mettront quasiment dix ans à s'en remettre". Si une partie des causes sont bien sûr d'ordre conjoncturel (revenus plafonnés des particuliers, retournement politique de nombreuses mairies qui remettent en question les projets de BTP de la municipalité précédente, etc.), d'autres sont bien plus profondes. Les professionnels de l'immobilier dénoncent majoritairement les normes qui les étouffent, qui seraient à l'origine des deux tiers de l'augmentation de 50% des coûts selon François Payelle, président de la FPI. Mais au-delà de la seule rigidité législative, les analystes accusent plutôt la pénurie de l'offre et la difficulté du financement, dues pour le coup à des facteurs essentiellement spéculatifs et la difficulté du politique à trouver les bons leviers.
Bref, si aucun scénario n'est à exclure, le diagnostic porté sur le secteur est clair : sévère dépression que même la relance de l'économie ne suffirait pas à guérir. Dans ce contexte, le seul motif d'espoir est incarné par la rénovation énergétique. Selon une étude du cabinet Xerfi, le segment de la rénovation thermique devrait connaître une croissance franche en 2015 avec une progression de 6% pour un chiffre d'affaires total de 15 milliards d'euros, dont deux corporations devraient profiter : les fabricants d'isolants et de menuiserie (notamment les fenêtres). Ces dernières sont en effet centrales dans l'établissement d'une stratégie de rénovation énergétique. Cependant, son impact économique restera très limité, et largement insuffisant pour soutenir le secteur, ne serait-ce que par son volume d'activité. La CAPEB estime en effet que le marché de la rénovation devrait légèrement régresser en 2014, même si les analystes de Xerfi estiment pour leur part sa croissance à 2%. De plus, la question du financement reste toujours aussi problématique.
Une dynamique salvatrice
Néanmoins, la conjoncture mentale et philosophique a évolué dans le bon sens, avec cette idée que la valeur verte prendra de plus en
plus d'importance dans les années à venir, à l'image de la prépondérance grandissante du diagnostic immobilier dans les questionnements des acheteurs et des locataires. Entre incitation et obligation, l'Etat fait de la rénovation énergétique une de ces priorités dans le cadre de la transition énergétique, dont les objectifs sont loin d'être remplis à l'heure actuelle et à l'horizon 2020. Certaines mesures, comme l'éco-conditionalité, participent de cette volonté de placer au centre de nos attentions l'importance de l'enjeu environnemental. Pour le député EELV François de Rugy, "les citoyens sont prêts, le conservatisme qu'on dit généralisé n'existe pas, il y a plus d'esprits volontaires qu'on ne le croit", comme le montre une association de consommateurs qui se propose de participer au financement des travaux de rénovation énergétique des particuliers.
Cette dynamique ne se traduit pas seulement par des changements de mentalité, de nouvelles normes et des initiatives citoyennes. Elle est également un moteur pour l'innovation et la formation professionnelle. L'exemple de l'entreprise Terreal est en ce sens particulièrement intéressant. En effet, la société s'est appropriée le concept de sarking, c'est-à-dire d'isolation du toit par l'extérieur. Alors que les couvreurs étaient jusqu'ici peu concernés par la transition énergétique, ils en deviennent aujourd'hui des acteurs grâce à l'innovation. Ce besoin se traduit dans la formation, où les enjeux environnementaux sont de plus en plus pris en considération, car ils sont eux-mêmes une préoccupation grandissante des consommateurs et clients. En ce sens, la ratification de la convention FEE Bat (Formation aux Economies d'Energie dans le Bâtiment) par les associations professionnelles du secteur et les ministres Ségolène Royal et Sylvia Pinel témoigne de cette volonté de sensibiliser les professionnels à ces questions. Là encore, la rénovation énergétique dynamise le secteur du bâtiment.
Il est paradoxal d'observer que si les leviers économiques habituels ne parviennent pas à sortir le secteur du marasme, c'est un mécanisme de normalisation justifié par l'impératif environnemental qui dynamise le secteur. Alors même que l'inflation réglementaire est dénoncée par les professionnels de l'immobilier, elle génère des motifs d'espoir : la réunion des objectifs économiques et écologiques génère une dynamique qui est pour l'instant la seule valable du secteur. Si cette dernière seule ne peut pas permettre de sortir le bâtiment de l'ornière, elle demeure une perspective bien plus réjouissante que l'éternelle litanie des notes de conjonctures déprimantes et de l'objectif abscons des 500 000 logements.
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