Une Europe, des marchés immobiliers, des tendances contradictoires (source: infoimmo.fr)
En France,
la messe est dite. Le secteur de la construction va rester en plein marasme
jusqu’à la fin 2015… Le constat actuel est saisissant mais également
paradoxal : un point bas historique concernant le logement neuf, soit 300 000
constructions cette année (en restant optimiste, alors qu’il y en avait plus
de 450 000 en 2007) ; le marché
de la rénovation au niveau zéro ; des ventes
en baisse mais une incidence positive sur les prix (baisse salvatrice
dans certaines régions, dont Paris).
Pis, ce serait – paraît-il – le
meilleur moment pour acheter… On se pince ?!
Pour 2014,
les mauvaises langues n’annoncent qu’une seule bonne nouvelle : l’éviction
de Cécile Duflot du Ministère du Logement et son remplacement par Sylvia
Pinel. Première étape d’une stratégie visant à redynamiser le secteur ? On
pourrait le croire : le
gouvernement réfléchirait à des mesures correctrices pour atténuer l’héritage
désastreux de la députée EELV. Pourtant, il y a de quoi faire, ne serait-ce
que concernant la rénovation
énergétique…
Cette
situation est-elle observable dans d’autres pays européens ? A vrai dire,
les situations sont aussi différentes qu’il n’y a de pays. Le contexte
économique mais également les particularismes locaux sont des facteurs
importants. Toutefois, il existe bel et bien une frontière entre l’Europe du
Nord et les pays du pourtour méditerranéen.
La déflagration espagnole
La déflagration espagnole
En Espagne,
chaque jour vient rappeler à quel point le secteur immobilier a été pris d’une irrationalité
dévastatrice durant la période 1997-2007 : le projet « la nation rond-point » en énumère
les cicatrices géographiques. Mais le mal est surtout social et sociétal :
on ne saurait que trop conseiller le reportage ci-dessous mettant en lumière la
détresse des citoyens au regard de ce qu’ils pensaient posséder. Le gigantisme
et l’inutilité de certaines infrastructures sont sidérants.
Envoyé Spécial - juin 2012 - Espagne : la faillite ?
Et la
curée ne semble pas encore terminée, même si des signes positifs émergent.
Certes, la baisse des prix des logements ralenti mais ils restent inférieurs de
36,2% à leurs niveaux de 2008, sans parler des milliers de logements vacants !
Et les professionnels ne s’attendent à retrouver une situation
« normale » que dans 5 ans, voire à endurer une décennie
d’ajustement.
De plus, la
particularité de l’Espagne est que le
parc locatif est quasi inexistant (15% du parc de logements du pays). En
cause, une politique fiscale très avantageuse ces dernières décennies afin d’inciter
les Espagnols à devenir propriétaires. De fait, l’endettement généralisé
empêche tout redémarrage rapide du secteur.
Le Mezzogiorno et l’Italie septentrionale :
deux planètes éloignées
L’Italie,
fidèle à son histoire, vit une situation segmentée. Bien sûr, la situation
économique « à la française » pèse : faible croissance, chômage
élevé, peur en l’avenir, déclassement de la jeunesse… Et la suppression
de la taxe foncière sur la résidence principale n’y changera rien. Certes,
le secteur immobilier reste atone mais disparate. D’un côté, le Nord, région
riche, voit son marché immobilier résister à la crise, depuis deux ans, avec
une très légère baisse des prix. Le Sud, à l’inverse, est synonyme de bonnes
affaires : les promoteurs ne s’y trompent pas en démarchant les classes
fortunées en France, Allemagne ou Suisse afin de leur proposer des actifs décotés.
Le marché haut de gamme est également en plein essor.
Par ailleurs,
la particularité italienne – observable également en Espagne – est d’avoir une partie
de la jeune génération (les 25-35 ans) qui vit chez ses parents. Le contexte
économique impacte directement cette génération en âge de louer/acheter un bien
immobilier, accentuant ainsi l’atonie.
L’Allemagne vers la normalisation ?
Le mal
guette à Munich et Berlin, mais aussi dans les grandes villes allemandes :
la gentrification de certains quartiers pousse inéluctablement les prix des
logements à la hausse.
Ainsi, au
plus fort de la crise économique en Europe, entre 2009 et 2014, les
prix de l’immobilier ont bondi de 20% sur l’ensemble du territoire
allemand, et jusqu’à 38% à Stuttgart et 56% à Berlin. On parle même de mettre
en place un encadrement des loyers pour y remédier ! Impensable dans le
pays de la cogestion où la solution acceptable par tous est toujours
recherchée.
Mais voilà,
la surévaluation des prix pourrait mettre à mal ce à quoi tient tout
Allemand : la compétitivité de l’économie. Et Le Figaro d’expliquer le
futur du marché immobilier allemand : « grâce au crédit bon marché et des revenus en hausse, cette terre de
locataires est en train d’accélérer sa mutation en un pays de propriétaires ».
Le vieillissement de la population en serait également une cause explicative.
L’immobilier au Royaume-Uni : au
feu !
Depuis deux
ans, les prix ne cessent de grimper, décorrélés
de toute amélioration significative du contexte économique. Dans son
dernier post (brûlot devrions-nous dire), le think tank New
Economics Foundation prédit des prix tendanciellement élevés. Les
causes ? Pas tant une demande supérieure à l’offre que la généralisation
de l’inégalité salariale, engendrant la disparition graduelle de la classe
moyenne britannique.
Ainsi, le
think tank demande la réorientation de la politique du logement au risque de
favoriser une nouvelle bulle. Selon lui, le programme gouvernemental d’aide à l’achat
Help to Buy, inauguré en avril 2013,
devrait être sévèrement restreint. En effet, en permettant aux acheteurs de ne
dépenser que 5% de la valeur d’achat d’un bien (inférieur aux 600 000 livres),
cela incite clairement le particulier à s’endetter et à participer à l’envolée
des prix. A croire que les
leçons de la crise des subprimes n’ont
pas été tirées…
Or, la
dynamique clairement haussière peut inciter la Banque d’Angleterre à augmenter
ses taux, sapant la reprise fragile… Quand on sait que les prochaines élections
générales sont en mai 2015 et que le UKIP s’est installé durablement dans la
vie politique, on comprend bien que le logement reste une problématique essentielle
pour le gouvernement de David Cameron.
Vers un observatoire pour comprendre la
complexité ?
Les situations
des différents pays sont donc extrêmement hétérogènes et il faut se garder
de toutes conclusions hâtives. Les prix
restent un indicateur de la température du marché, certes, mais dont la robustesse
est sujette à caution. Ainsi, les particularités nationales sont
difficilement prises en compte : appétence à devenir propriétaire en
Europe du Sud, prédilection de la location dans d’autres pays… Sans parler des
différences à l’intérieur des pays : entre les régions, entre les citadins
et les ruraux… De plus, la crise économique – avec pour corollaire le chômage, les
faibles salaires, les contrats précaires… – a redéfini ou conforter certaines
tendances sociétales, à l’image du « phénomène
Tanguy », ce qui a obligatoirement des incidences sur le marché immobilier.
Mais difficilement décelables pour le moment.
Un vrai observatoire de l’immobilier serait intéressant à mettre en place, couplant les
données économiques mais également sociétales. Pour l’instant, il n’existe que
des infos disparates pour essayer de comprendre des phénomènes en mutation : voyez pour la colocation. Le Fonds Monétaire International a bien développé récemment un indice dédié - Global Housing Watch - mais seulement focalisé sur les données économiques stricto sensu, donc sujettes aux biais statistiques. Or, avec le Big Data, il devrait être possible d'obtenir des outils capables de réunir une masse d'informations hétérogènes, sur différents types de logements (maison, appartement...), en divers endroits géographiques (pays, ville, campagne...), sur divers problématiques (foncier, matériaux...), les aspirations et habitudes de producteurs et consommateurs variés, etc. permettant de créer une base relativement fiable afin d'ajuster les politiques dédiés au logement.
Ainsi, un effort de compréhension et d’analyse est une première étape pour mettre en œuvre des politiques qui ne soient pas démagogiques, idéologiques et contre productives. A bon entendeur...
Ainsi, un effort de compréhension et d’analyse est une première étape pour mettre en œuvre des politiques qui ne soient pas démagogiques, idéologiques et contre productives. A bon entendeur...
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