mercredi 11 juin 2014

L’immobilier en Europe ? Aussi hétérogène que les pays la composant...

Une Europe, des marchés immobiliers, des tendances contradictoires (source: infoimmo.fr)


En France, la messe est dite. Le secteur de la construction va rester en plein marasme jusqu’à la fin 2015… Le constat actuel est saisissant mais également paradoxal : un point bas historique concernant le logement neuf, soit 300 000 constructions cette année (en restant optimiste, alors qu’il y en avait plus de 450 000 en 2007) ; le marché de la rénovation au niveau zéro ; des ventes en baisse mais une incidence positive sur les prix (baisse salvatrice dans certaines régions, dont Paris). Pis, ce serait – paraît-il – le meilleur moment pour acheter… On se pince ?!

Pour 2014, les mauvaises langues n’annoncent qu’une seule bonne nouvelle : l’éviction de Cécile Duflot du Ministère du Logement et son remplacement par Sylvia Pinel. Première étape d’une stratégie visant à redynamiser le secteur ? On pourrait le croire : le gouvernement réfléchirait à des mesures correctrices pour atténuer l’héritage désastreux de la députée EELV. Pourtant, il y a de quoi faire, ne serait-ce que concernant la rénovation énergétique

Cette situation est-elle observable dans d’autres pays européens ? A vrai dire, les situations sont aussi différentes qu’il n’y a de pays. Le contexte économique mais également les particularismes locaux sont des facteurs importants. Toutefois, il existe bel et bien une frontière entre l’Europe du Nord et les pays du pourtour méditerranéen. 

La déflagration espagnole

En Espagne, chaque jour vient rappeler à quel point le secteur immobilier a été pris d’une irrationalité dévastatrice durant la période 1997-2007 : le projet « la nation rond-point » en énumère les cicatrices géographiques. Mais le mal est surtout social et sociétal : on ne saurait que trop conseiller le reportage ci-dessous mettant en lumière la détresse des citoyens au regard de ce qu’ils pensaient posséder. Le gigantisme et l’inutilité de certaines infrastructures sont sidérants. 

 Envoyé Spécial - juin 2012 - Espagne : la faillite ?

Et la curée ne semble pas encore terminée, même si des signes positifs émergent. Certes, la baisse des prix des logements ralenti mais ils restent inférieurs de 36,2% à leurs niveaux de 2008, sans parler des milliers de logements vacants ! Et les professionnels ne s’attendent à retrouver une situation « normale » que dans 5 ans, voire à endurer une décennie d’ajustement

De plus, la particularité de l’Espagne est que le parc locatif est quasi inexistant (15% du parc de logements du pays). En cause, une politique fiscale très avantageuse ces dernières décennies afin d’inciter les Espagnols à devenir propriétaires. De fait, l’endettement généralisé empêche tout redémarrage rapide du secteur. 

Le Mezzogiorno et l’Italie septentrionale : deux planètes éloignées

L’Italie, fidèle à son histoire, vit une situation segmentée. Bien sûr, la situation économique « à la française » pèse : faible croissance, chômage élevé, peur en l’avenir, déclassement de la jeunesse… Et la suppression de la taxe foncière sur la résidence principale n’y changera rien. Certes, le secteur immobilier reste atone mais disparate. D’un côté, le Nord, région riche, voit son marché immobilier résister à la crise, depuis deux ans, avec une très légère baisse des prix. Le Sud, à l’inverse, est synonyme de bonnes affaires : les promoteurs ne s’y trompent pas en démarchant les classes fortunées en France, Allemagne ou Suisse afin de leur proposer des actifs décotés. Le marché haut de gamme est également en plein essor. 

Par ailleurs, la particularité italienne – observable également en Espagne – est d’avoir une partie de la jeune génération (les 25-35 ans) qui vit chez ses parents. Le contexte économique impacte directement cette génération en âge de louer/acheter un bien immobilier, accentuant ainsi l’atonie. 

L’Allemagne vers la normalisation ?

Le mal guette à Munich et Berlin, mais aussi dans les grandes villes allemandes : la gentrification de certains quartiers pousse inéluctablement les prix des logements à la hausse.

Ainsi, au plus fort de la crise économique en Europe, entre 2009 et 2014, les prix de l’immobilier ont bondi de 20% sur l’ensemble du territoire allemand, et jusqu’à 38% à Stuttgart et 56% à Berlin. On parle même de mettre en place un encadrement des loyers pour y remédier ! Impensable dans le pays de la cogestion où la solution acceptable par tous est toujours recherchée.

Mais voilà, la surévaluation des prix pourrait mettre à mal ce à quoi tient tout Allemand : la compétitivité de l’économie. Et Le Figaro d’expliquer le futur du marché immobilier allemand : « grâce au crédit bon marché et des revenus en hausse, cette terre de locataires est en train d’accélérer sa mutation en un pays de propriétaires ». Le vieillissement de la population en serait également une cause explicative. 

L’immobilier au Royaume-Uni : au feu ! 

Depuis deux ans, les prix ne cessent de grimper, décorrélés de toute amélioration significative du contexte économique. Dans son dernier post (brûlot devrions-nous dire), le think tank New Economics Foundation prédit des prix tendanciellement élevés. Les causes ? Pas tant une demande supérieure à l’offre que la généralisation de l’inégalité salariale, engendrant la disparition graduelle de la classe moyenne britannique. 

Ainsi, le think tank demande la réorientation de la politique du logement au risque de favoriser une nouvelle bulle. Selon lui, le programme gouvernemental d’aide à l’achat Help to Buy, inauguré en avril 2013, devrait être sévèrement restreint. En effet, en permettant aux acheteurs de ne dépenser que 5% de la valeur d’achat d’un bien (inférieur aux 600 000 livres), cela incite clairement le particulier à s’endetter et à participer à l’envolée des prix. A croire que les leçons de la crise des subprimes n’ont pas été tirées… 

Or, la dynamique clairement haussière peut inciter la Banque d’Angleterre à augmenter ses taux, sapant la reprise fragile… Quand on sait que les prochaines élections générales sont en mai 2015 et que le UKIP s’est installé durablement dans la vie politique, on comprend bien que le logement reste une problématique essentielle pour le gouvernement de David Cameron. 

Vers un observatoire pour comprendre la complexité ?

Les situations des différents pays sont donc extrêmement hétérogènes et il faut se garder de toutes conclusions hâtives. Les prix restent un indicateur de la température du marché, certes, mais dont la robustesse est sujette à caution. Ainsi, les particularités nationales sont difficilement prises en compte : appétence à devenir propriétaire en Europe du Sud, prédilection de la location dans d’autres pays… Sans parler des différences à l’intérieur des pays : entre les régions, entre les citadins et les ruraux… De plus, la crise économique – avec pour corollaire le chômage, les faibles salaires, les contrats précaires… – a redéfini ou conforter certaines tendances sociétales, à l’image du « phénomène Tanguy », ce qui a obligatoirement des incidences sur le marché immobilier. Mais difficilement décelables pour le moment. 

Un vrai observatoire de l’immobilier serait intéressant à mettre en place, couplant les données économiques mais également sociétales. Pour l’instant, il n’existe que des infos disparates pour essayer de comprendre des phénomènes en mutation : voyez pour la colocation. Le Fonds Monétaire International a bien développé récemment un indice dédié - Global Housing Watch - mais seulement focalisé sur les données économiques stricto sensu, donc sujettes aux biais statistiques. Or, avec le Big Data, il devrait être possible d'obtenir des outils capables de réunir une masse d'informations hétérogènes, sur différents types de logements (maison, appartement...), en divers endroits géographiques (pays, ville, campagne...), sur divers problématiques (foncier, matériaux...), les aspirations et habitudes de producteurs et consommateurs variés, etc. permettant de créer une base relativement fiable afin d'ajuster les politiques dédiés au logement. 

Ainsi, un effort de compréhension et d’analyse est une première étape pour mettre en œuvre des politiques qui ne soient pas démagogiques, idéologiques et contre productives. A bon entendeur...
 
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