Les infrastructures, premier déterminant de l'attractivité d'un pays ?
(source : http://www.siemens.com.br)
Les
infrastructures se définissent comme étant les installations nécessaires à une
collectivité. Toutefois, cette dernière évoluant, les équipements sont eux
aussi amenés à se transformer, quantitativement et qualitativement. Ainsi, une
collectivité dans un pays en développement n’aura pas les mêmes (besoins en)
infrastructures qu’un pays développé. De plus, au-delà de la richesse, la
géographie et le climat sont également un déterminant dans la définition des
infrastructures nécessaires.
Par
ailleurs, les équipements évoluent avec le temps : d’une part, les
infrastructures en place se dégradent ; d’autre part, il existe de
nouvelles demandes en équipement au fur et à mesure des progrès de la science
(santé, technologies de l’information…) mais aussi des besoins primaires des
individus. Par exemple, Internet est devenu un enjeu majeur pour le devenir
économique – et donc politique – des différents pays. Ainsi, le
Wi-Fi est désormais considéré comme un service essentiel comme l’eau ou l’électricité.
Inversement, les infrastructures de télécommunications basées sur les câbles
souterrains pourraient être, à l’avenir, moins indispensables. De même, le développement
de la voiture électrique suppose le déploiement de bornes de recharge.
Aussi, pour en amplifier l’extension, l’Etat a promulgué une loi, en août 2014,
faisant de la construction de cette infrastructure nouvelle un impératif.
Toutefois,
il faut bien se garder de croire que l’émergence et l’affirmation de la
nouvelle économie, cette économie dématérialisée basée sur Internet, ait pour
corollaire le déclassement de l’économie réelle. Bien au contraire. Le tout
numérique est une chimère et l’immatérielle
ne peut apporter ses bienfaits que si les infrastructures « en dur »
sont construites et entretenues. Là est la vraie problématique, avec une
autre sous-jacente : celle concernant leur financement.
L’effritement des infrastructures : signe précurseur
de l’effondrement économique ?
Aux
Etats-Unis, l’American Society of Civil Engineers (ASCE) a fait de
l’usure des infrastructures nationales un enjeu aussi bien économique que
politique. Elle a créé un site internet
proposant analyse et classement des infrastructures dans chaque Etat
américain : écoles, aéroports, ports, routes, gazoducs et pipelines, voies
de chemin de fer, barrages… Tout y passe. Le délabrement est tel qu’il faudrait
investir pas moins de 3 600
milliards de milliards d’ici à 2020 (vous avez bien lu) pour remettre les équipements en
état (et notamment mettre fin au « cancer du béton »). Néanmoins, il ne s’agit pas seulement d’un problème de financement mais également
de mener une réflexion sur « des
siècles de politiques d’aménagement inadaptées », mis en évidence
notamment à New York lors de la tempête Sandy en 2012.
Plus près de
chez nous, en Allemagne, les
infrastructures sont le grand sujet du moment, traité aussi bien dans la presse
nationale... qu’internationale. Du fait de la baisse de la croissance depuis
le début de l’année, le piètre état des équipements publics est analysé comme
une cause explicative (avec l’embargo russe et le ralentissement chinois,
certes). Ainsi, il n’y a pas une journée sans que les journaux ne parlent pas
d’un exemple de pont qui doit être franchi à vitesse réduite, de nids de poule
dans les chaussées, de gymnases fermés... Et Lothar Ewers, ingénieur des Ponts
et Chaussées, d’expliquer : « cela
est tout simplement dû au fait qu’en Allemagne nous n’avons, premièrement, pas
investi suffisamment d’argent pour entretenir nos infrastructures et,
deuxièmement, nous avons aussi négligé de construire de nouvelles
infrastructures là où c’était nécessaire ! Cela concerne toutes les
infrastructures, cela concerne les établissements scolaires, les installations
sportives, les routes et les ponts. En fait, quasiment toutes les
infrastructures sont touchées mises à part celles qui sont financées par des
redevances comme par exemple les réseaux de distribution d’électricité ou
d’eau… ». Cela est d’autant plus inquiétant que les
Allemands passent pour des gens sérieux… Le débat politique fait rage et
même la
puissante fédération de l’industrie prend fait et cause pour un grand plan
d’investissement. Vision de court terme et de long terme s’opposent alors que
le très respecté ministre des Finances, le conservateur Wolfgang
Schäuble – et indirectement la Chancelière Angela Merkel – est critiqué.
Infrastructures et
attractivité : un lien évident
Le
classement annuel établi par le Forum
économique mondial de Davos
depuis 2004 est souvent décrié en France pour diverses raisons, notamment le fait que
ce Forum est le repère des libéraux qui se complaisent dans le French bashing. Variante : le monde
ne comprend pas la France. Certes, le fameux Indice global de la
compétitivité pourrait être sérieusement amendé, et prendre en compte plus
parfaitement des déterminants sociaux et sociétaux. Toutefois, il donne aussi
une analyse et un classement des pays selon divers critères, pas seulement le système
d’imposition ou encore la flexibilité du marché du travail.
En effet, la
qualité des infrastructures est un facteur à part entière de la compétitivité
d’un pays. Ainsi, le Forum économique de Davos classe la France en huitième
position sur ce seul critère (derrière l’Allemagne ?!). Notre pays fait
même mieux concernant la seule qualité des routes (quatrième) et pour celle des
voies ferrées (sixième).
De même,
dans la grande bataille mondiale pour attirer les investisseurs étrangers sur
le sol national, l’état des infrastructures est prépondérant. Or, selon le rapport
2013 de l’Agence française pour les investissements internationaux, l’entité
en charge de promouvoir notre pays à l’étranger, les investisseurs placent nos infrastructures
(transports, communication et logistique) comme l’atout numéro un.
L’aménagement du territoire : une
histoire française
Notre
histoire est pleine d’exemples de réflexion et d’actions dans l’aménagement du
territoire : Colbert et Vauban pour les manufactures et les infrastructures
militaires, Haussmann et ses boulevards parisiens, les Trente Glorieuses et le
développement autoroutier, les barrages, etc. Sans oublier le TGV dans les
années 1980-1990… N’oublions pas que l’Ecole nationale des ponts et chaussées
est créée en 1747 !
Certes, ces succès
s’accompagnent de leurs lots de mécontents et si ces infrastructures étaient réalisées
actuellement, nul doute qu'elles seraient fortement décriées pour leurs impacts financiers et
écologiques. En effet, la période contemporaine est marquée par un changement
de perception. Quoique salutaire, cette nécessité d’être mesuré dans ses
actions ne doit pas faire oublier que les infrastructures sont indispensables.
Or, l’actualité
nous donne parfois une représentation ambivalente, voire négative, des grands projets. Ceux-ci
sont souvent villipendées : aéroport de Notre-Dame des Landes, liaison
ferroviaire Lyon-Turin, Canal Seine-Nord, plan de relance autoroutier sans
oublier le barrage
de Sivens… Même les projets qui iraient « dans l’air du temps »
comme les tramways en ville ou les lignes à haute tension (il en faudra bien
avec le développement des énergies renouvelables comme l’éolien en mer !) ne sont pas très populaires. Le
NIMBY devient la norme.
Certes,
comme le rappelle la journaliste
Sophie Landrin, l’ambition démesurée des « barons locaux » et
leurs rêves de grandeur nourrissent cette opposition. Et de rappeler l’analyse du
sociologue Jean Viard : « tant
que l’Etat a été perçu comme porteur de grands projets motivés par l’intérêt
collectif, l’aménagement du territoire a peu souffert de contestation. Mais la
société ne semble désormais plus tenir une vision claire du bien public. Ces
grands projets contestés sont synonymes de gâchis et de gabegie. Là aussi, ce
ne sont pas seulement des militants écolos qui le disent mais la Cour des
comptes ».
Se pose
alors la question suivante : sommes-nous arrivés à la fin de l’Histoire des
infrastructures en France ?
Un financement problématique
Certes, les
projets d’infrastructures, peu importe leur taille, renvoient une image négative
et les acteurs impliqués (collectivités, Etat, constructeurs…) feraient bien de
s’en inquiéter. Mais le problème fondamental reste le financement. En effet, la
construction et la gestion des infrastructures sont financées
généralement par le contribuable et/ou l’usager. Or, la conjoncture actuelle
met sous tension ces moyens :
- Le budget de l’Etat est sévèrement contraint et les taxes/impôts ne peuvent pas augmenter indéfiniment,
- Le système de concession est intéressant sous réserve de contrôler l’exploitant et d’encadrer les prix. Or, l’exemple des autoroutes privatisées laisse un goût très amer aux Français.
- Faire payer une certaine catégorie d’usager (les étrangers par exemple) est strictement régi par la loi et peut être contredit au niveau européen. Cette solution a été évoquée suite à l’abandon de l’écotaxe.
- Quant aux partenariats public-privé, ils sont décriés.
Ainsi, les vœux
pieux en Conseil des ministres se succèdent aux rapports parlementaires.
Il y a pourtant urgence à entretenir les anciennes infrastructures et à
construire les nouvelles, à l’image de l’Internet
très haut débit via la fibre optique. Toutefois, il faut se rendre à l’évidence :
le statu quo actuel est inquiétant. Pis, l’Etat se désengage depuis de
nombreuses années via la baisse des crédits alloués à l’entretien ou,
indirectement, au travers de la baisse de sa dotation aux collectivités. Sans parler des privatisations...
La création d’un observatoire : le pis-aller ?
« Notre héritage s’érode sous le joug du temps
et de la diminution progressive des investissements publics liés à son
entretien. Avec lui, s’étiolent aussi la sécurité et la qualité de vie des
usagers, et grandissent les perspectives de dépenses qu’il sera nécessaire
d’allouer à la rénovation en urgence de ces infrastructures ». Dans
cette tribune
publiée durant l’été 2013, Jean-Louis Chauzy, président de l’ORQUASI (Observatoire Régional de la Qualité des
Infrastructures en Midi-Pyrénées) récemment créé, propose de réunir les
acteurs régionaux concernés par cette problématique, afin de favoriser le
partage d’informations. Celui-ci permettant alors d’identifier les urgences mais
aussi d’anticiper les travaux d’entretien.
Intention louable
et intéressante, l’ORQUASI est susceptible de minimiser le syndrome français de
rétention de l’information et de faciliter les relations entre les différents
acteurs. Plus qu’une nécessité au regard de la sclérose actuelle. Toutefois,
cet observatoire n’est qu’une association loi 1901 sans prérogatives
financières. Or, dans le monde contemporain, la réunion des bonnes volontés ne
suffit plus : l’argent reste le nerf de la guerre. Et au vu de la situation actuelle, ce qui nous attend fait craindre le pire.
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