Darwin appliqué au secteur de l'immobilier (source : dessinemoileco.com)
Bien malin
les professionnels qui s’essaient à « l’immobilier fiction », c’est-à-dire
à deviner les tendances du marché dans les prochains mois. Au mieux,
ils s’aventurent à trois mois – six tout au plus – et sur un terrain qu’ils connaissent
déjà (Paris intra-muros… et encore). Tout le monde s’accorde pour dire que les prix
sont élevés, posant la question
de leur encadrement… et de la pertinence de cette politique. En effet,
pourquoi encadrer si les prix baissent ?
En vrai, la
difficulté est de comprendre
la tendance, l’évolution des prix. Et au risque de perturber les experts
pour qui c’est le métier, il faut dire qu’on ne sait pas actuellement si les
prix sont à la hausse ou à la baisse… Évacuons donc ce problème et parlons plutôt
des intentions des demandeurs (acheteurs ou locataires), c'est-à-dire des perceptions qu’ils
ont du secteur.
Ainsi, même si le logement
est une des problématiques centrales des Français, deux études viennent
conforter le grand retournement sociétal actuel : le souhait des Français d'accéder à la propriété se fracasse contre les réalités actuelles. Les
intentions d’achats immobiliers à six mois sont en repli et le nouveau profil-type
de l’emprunteur met en exergue son attentisme. Au risque de remettre en cause
le modèle d’activité de bon nombre d’acteurs historiques.
Des Français plein de paradoxes
Selon la 14ème
vague de l’Observatoire
du moral immobilier réalisé par Logic-Immo.com et TNS Sofrès, le contexte
actuel n’a jamais été aussi propice pour acheter un logement : des taux d’emprunt
immobilier très bas l’expliquent aisément. La baisse des prix immobilier est
également avancée. Problème :
de quels prix parlent-on ? L’intensité de la baisse est très
hétérogène selon les villes analysées, les biens étudiés…
Toutefois,
malgré cet environnement favorable, les sondés gèlent leurs intentions d’achats.
En effet, selon
l’Observatoire, « 73 % des acheteurs
qui recherchent un bien immobilier depuis plus de six mois se disent
essentiellement freinés par la difficulté à trouver un bien qui convienne dans
leur budget ». En clair, les
Français sont attentistes et hyper sélectifs : ils ne sont pas prêts à
acheter n’importe quoi. Comme l’explique Cyril
Janin, Directeur Général de Logic-Immo.com, les Français sont « persuadés
que la remontée des taux d’intérêts et la hausse des prix ne sont pas à l’ordre
du jour, ils prennent leur temps pour chercher et trouver LE produit qui saura
les convaincre de franchir le pas et signer l’acte d’achat ».
L’époque
semble donc révolue où certains promoteurs, constructeurs ou propriétaires
« refourguaient » (employons
le terme !) n’importe quoi en se disant que le marché est tellement
tendu, la demande tellement dynamique, que le bien en question trouvera preneur
malgré qu’il soit douteux. Paradoxalement, l’état du marché actuellement fait
qu’il est plus ardu de trouver la perle rare… à des conditions avantageuses.
Bref, tout
semble bloqué : du côté de l’offre comme de la demande, dans
le réel comme dans les têtes.
Des tendances de long terme inquiétantes
Selon les
conclusions de l’étude de meilleurtaux.com, qui se base sur 400 000 dossiers
déposés par les particuliers sur le site internet et qui ont reçu une réponse
positive d’une banque, les
Français primo-accédants achètent plus tard et plus cher, ce qui veut dire qu’ils
doivent disposer d’un apport important et de revenus suffisamment élevés.
En effet, l’emprunteur-type,
selon l’étude, est âgé de 37,4 ans en moyenne et gagne 5 273 euros
mensuels. Toutefois, il existe de fortes disparités géographiques, comme le montre
la cartographie ci-dessous.
Immobilier : des emprunteurs plus âgés et en majorité primo-accédants
(source : Les Échos)
Ainsi, le marché de l’immobilier a connu des bouleversements
importants sur la dernière décennie comme en témoignent les chiffres concernant
l’emprunteur-type en 2004 : celui-ci est âgé de 32,7 ans pour un revenu
mensuel de 4 300 euros. Un chiffre très parlant est celui de l’apport moyen,
obligatoire pour contracter un prêt, qui a doublé en une décennie : 68
800 euros en moyenne (175 000 euros à Paris) contre 35 000 euros en 2004.
En outre, la solidarité
familiale est beaucoup plus importante (et nécessaire) aujourd’hui qu’auparavant.
L’aide prend des formes variées, les principales étant :
- Le prêt que la personne (en général l’enfant) rembourse de façon régulière ou dans quelques années ;
- La donation, ce qui est intéressant fiscalement mais soumis à des règles juridiques ;
- Le don du logement neuf acheté qui est facilité via un abattement exceptionnel de 100 000 euros ;
- La création d’une société civile immobilière qui devient propriétaire du bien mais qui implique des formalités (juridique, gestion) assez complexes.
En clair, ces évolutions tendent à montrer que l’immobilier concerne
de moins en moins les jeunes et les classes moyennes. L’immobilier devient un
luxe incitant les Français, soit à s’en détourner (tous locataires !), soit
à être très précautionneux à l’achat. D’où une paralysie évidente.
Comment sort-on de la paralysie actuelle ?
D’un côté,
certains avancent que le contexte n’a jamais été aussi favorable du fait des
taux historiquement – et durablement – bas ainsi que d’une « baisse »
des prix. Pour d’autres, ces éléments remettent difficilement en cause la
représentation actuelle que se font les Français : les prix restent
élevés, le
marché est atone et la crise dure. Bref, on a tendance à oublier que pour acheter, il faut avant tout
de l’argent. Paradoxalement, le logement est une priorité pour les Français mais
ils restent très prudents, comme le montre les délais
de ventes toujours plus importants. L’époque de la création d’un patrimoine
immobilier à tout prix semble révolue.
Aussi, la
fameuse politique de l’offre voulue par le gouvernement, certes nécessaire, ne
résoudra pas pour autant les problèmes d’un claquement de doigt. Le marché manque de "fluidité". Or, les nouvelles technologies pourraient résoudre, en partie, cette paralysie. Elles sont également génératrices d'évolutions sociétales. Par exemple, et à la différence de
2004, les nouvelles
technologies de l’information incitent les Français à mettre en concurrence
les agences immobilières physiques avec les acteurs du Web, ces derniers
mettant en relation souvent gratuitement les vendeurs/loueurs et les acheteurs.
Les Français n’hésitent plus à négocier âprement les prix et un nombre croissant
a une approche
pragmatique et organisée dans la recherche de biens. La surface, comme le
prix, ne sont plus les seuls critères prédominants : il y a la vitalité du
quartier, son calme, voire sa sociologie.
Un changement
de monde s’opère : le
qualitatif est de mise dorénavant, les Français et certains acteurs de la
profession s’étant fait une raison concernant le dynamisme du secteur de la construction.
Toutefois, nous ne sommes qu’au début du phénomène. Et Darwin a montré que dans l'évolution de l'Homme, seuls les plus aptes survivent… et donc, les plus
ingénieux.
Nous suivre
sur Twitter : @Bati2030
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
N'hésitez pas à poster vos commentaires et avis !