mardi 18 novembre 2014

Qui comprend le marché immobilier actuellement ?

Darwin appliqué au secteur de l'immobilier (source : dessinemoileco.com) 

Bien malin les professionnels qui s’essaient à « l’immobilier fiction », c’est-à-dire à deviner les tendances du marché dans les prochains mois. Au mieux, ils s’aventurent à trois mois – six tout au plus – et sur un terrain qu’ils connaissent déjà (Paris intra-muros… et encore). Tout le monde s’accorde pour dire que les prix sont élevés, posant la question de leur encadrement… et de la pertinence de cette politique. En effet, pourquoi encadrer si les prix baissent ?

En vrai, la difficulté est de comprendre la tendance, l’évolution des prix. Et au risque de perturber les experts pour qui c’est le métier, il faut dire qu’on ne sait pas actuellement si les prix sont à la hausse ou à la baisse… Évacuons donc ce problème et parlons plutôt des intentions des demandeurs (acheteurs ou locataires), c'est-à-dire des perceptions qu’ils ont du secteur.

Ainsi, même si le logement est une des problématiques centrales des Français, deux études viennent conforter le grand retournement sociétal actuel : le souhait des Français d'accéder à la propriété se fracasse contre les réalités actuelles. Les intentions d’achats immobiliers à six mois sont en repli et le nouveau profil-type de l’emprunteur met en exergue son attentisme. Au risque de remettre en cause le modèle d’activité de bon nombre d’acteurs historiques.

Des Français plein de paradoxes

Selon la 14ème vague de l’Observatoire du moral immobilier réalisé par Logic-Immo.com et TNS Sofrès, le contexte actuel n’a jamais été aussi propice pour acheter un logement : des taux d’emprunt immobilier très bas l’expliquent aisément. La baisse des prix immobilier est également avancée. Problème : de quels prix parlent-on ? L’intensité de la baisse est très hétérogène selon les villes analysées, les biens étudiés…

Toutefois, malgré cet environnement favorable, les sondés gèlent leurs intentions d’achats. En effet, selon l’Observatoire, « 73 % des acheteurs qui recherchent un bien immobilier depuis plus de six mois se disent essentiellement freinés par la difficulté à trouver un bien qui convienne dans leur budget ». En clair, les Français sont attentistes et hyper sélectifs : ils ne sont pas prêts à acheter n’importe quoi. Comme l’explique Cyril Janin, Directeur Général de Logic-Immo.com, les Français sont « persuadés que la remontée des taux d’intérêts et la hausse des prix ne sont pas à l’ordre du jour, ils prennent leur temps pour chercher et trouver LE produit qui saura les convaincre de franchir le pas et signer l’acte d’achat ».

L’époque semble donc révolue où certains promoteurs, constructeurs ou propriétaires « refourguaient » (employons le terme !) n’importe quoi en se disant que le marché est tellement tendu, la demande tellement dynamique, que le bien en question trouvera preneur malgré qu’il soit douteux. Paradoxalement, l’état du marché actuellement fait qu’il est plus ardu de trouver la perle rare… à des conditions avantageuses. Bref, tout semble bloqué : du côté de l’offre comme de la demande, dans le réel comme dans les têtes.

Des tendances de long terme inquiétantes

Selon les conclusions de l’étude de meilleurtaux.com, qui se base sur 400 000 dossiers déposés par les particuliers sur le site internet et qui ont reçu une réponse positive d’une banque, les Français primo-accédants achètent plus tard et plus cher, ce qui veut dire qu’ils doivent disposer d’un apport important et de revenus suffisamment élevés.

En effet, l’emprunteur-type, selon l’étude, est âgé de 37,4 ans en moyenne et gagne 5 273 euros mensuels. Toutefois, il existe de fortes disparités géographiques, comme le montre la cartographie ci-dessous. 

 Immobilier : des emprunteurs plus âgés et en majorité primo-accédants
(source : Les Échos)


Ainsi, le marché de l’immobilier a connu des bouleversements importants sur la dernière décennie comme en témoignent les chiffres concernant l’emprunteur-type en 2004 : celui-ci est âgé de 32,7 ans pour un revenu mensuel de 4 300 euros. Un chiffre très parlant est celui de l’apport moyen, obligatoire pour contracter un prêt, qui a doublé en une décennie : 68 800 euros en moyenne (175 000 euros à Paris) contre 35 000 euros en 2004.

En outre, la solidarité familiale est beaucoup plus importante (et nécessaire) aujourd’hui qu’auparavant. L’aide prend des formes variées, les principales étant :
  • Le prêt que la personne (en général l’enfant) rembourse de façon régulière ou dans quelques années ;
  • La donation, ce qui est intéressant fiscalement mais soumis à des règles juridiques ;
  • Le don du logement neuf acheté qui est facilité via un abattement exceptionnel de 100 000 euros ;
  • La création d’une société civile immobilière qui devient propriétaire du bien mais qui implique des formalités (juridique, gestion) assez complexes.
En clair, ces évolutions tendent à montrer que l’immobilier concerne de moins en moins les jeunes et les classes moyennes. L’immobilier devient un luxe incitant les Français, soit à s’en détourner (tous locataires !), soit à être très précautionneux à l’achat. D’où une paralysie évidente.

Comment sort-on de la paralysie actuelle ?

D’un côté, certains avancent que le contexte n’a jamais été aussi favorable du fait des taux historiquement – et durablement – bas ainsi que d’une « baisse » des prix. Pour d’autres, ces éléments remettent difficilement en cause la représentation actuelle que se font les Français : les prix restent élevés, le marché est atone et la crise dure. Bref, on a tendance à oublier que pour acheter, il faut avant tout de l’argent. Paradoxalement, le logement est une priorité pour les Français mais ils restent très prudents, comme le montre les délais de ventes toujours plus importants. L’époque de la création d’un patrimoine immobilier à tout prix semble révolue.

Aussi, la fameuse politique de l’offre voulue par le gouvernement, certes nécessaire, ne résoudra pas pour autant les problèmes d’un claquement de doigt. Le marché manque de "fluidité". Or, les nouvelles technologies pourraient résoudre, en partie, cette paralysie. Elles sont également génératrices d'évolutions sociétales. Par exemple, et à la différence de 2004, les nouvelles technologies de l’information incitent les Français à mettre en concurrence les agences immobilières physiques avec les acteurs du Web, ces derniers mettant en relation souvent gratuitement les vendeurs/loueurs et les acheteurs. Les Français n’hésitent plus à négocier âprement les prix et un nombre croissant a une approche pragmatique et organisée dans la recherche de biens. La surface, comme le prix, ne sont plus les seuls critères prédominants : il y a la vitalité du quartier, son calme, voire sa sociologie.

Un changement de monde s’opère : le qualitatif est de mise dorénavant, les Français et certains acteurs de la profession s’étant fait une raison concernant le dynamisme du secteur de la construction. Toutefois, nous ne sommes qu’au début du phénomène. Et Darwin a montré que dans l'évolution de l'Homme, seuls les plus aptes survivent… et donc, les plus ingénieux.

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