Dernier rapport avec des changements profonds ? (source : ouest-france.fr)
Juridiction
financière faisant autorité concernant les finances publiques, la Cour des
comptes s’en est allé de son rapport
sur le logement, se focalisant sur la région Île-de-France. Sans surprise, elle
démontre l’incohérence des politiques, étalée sur les deux dernières décennies.
Ainsi, pour résumer, tout n’est pas qu’une question d’argent mais surtout de
coordination et de ciblage.
Bien
évidemment, le rapport a été diversement accueilli mais beaucoup en ont fait –
à tort ou à raison – une analyse politique, pour ne pas dire mesquine. D’une
part, en avançant que la politique est inefficace. En ces temps de défiance
vis-à-vis des élus, le rapport est du pain béni pour ceux qui dénoncent les
« incompétents et les parasites ». D’autre part, en renouvelant leurs
critiques sur le logement social, synonyme de « profiteurs du
système ». Ce qui est loin d’être le cas.
Ainsi, à l’image
du rapport
de la mission d’évaluation de la politique du logement, celui de la Cour
des comptes, parce qu’il fait une analyse rigoureuse de la situation, mérite
une lecture attentive. Loin d’être un énième rapport, l’intérêt porte surtout sur
les réponses des administrations, organismes et collectivité concernés,
démontrant une certaine proximité des constats de chacun sur le sujet et des
propositions pour remédier à ces problèmes. De fait, une question légitime se
pose : qu’attendons-nous pour les mettre en œuvre ?
Des politiques peu efficaces
La Cour
des comptes audite une région où se cristallisent les tensions concernant
le logement : demande forte, offre moins dynamique qu’en province, prix
élevés des terrains à bâtir, loyers élevés et forte disparités de ceux-ci entre
les secteurs locatifs privé et social. Conclusions : des cas de suroccupation
des logements beaucoup plus fréquents qu’en province, un apport nécessaire
beaucoup plus important pour pouvoir devenir propriétaire et un engorgement du
parc social. Ainsi, « plus
d’un tiers des locataires du parc privé ne sont pas logés dans le parc social »
alors que leur revenu est inférieur au plafond de ressources exigé pour avoir
accès aux HLM. L’état des lieux est sans concession alors que l’Etat et autres
organismes franciliens dépensent 6 milliards par an !
Ainsi, la
Cour des comptes démontre que l’empilement des instruments de planification et
des échelons de décision nourrit l’inefficacité. Par exemple, puisqu’il n’y a
pas d’obligation de construction, pourquoi
les objectifs fixés chaque année seraient-ils tenus ? Pis, pourquoi,
dès lors, en fixer ?
Logement social : beaucoup d’argent
pour peu de résultats
Même si la
Cour note la forte impulsion de l’Etat et des collectivités territoriales depuis
2010, ceci ne s’accompagne pas de résultats à la hauteur des espérances… et des
montants investis. Tout en précisant que l’Île-de-France représente tout de
même dorénavant la moitié des aides nationales à la construction de logements
locatifs sociaux, la Cour observe que les bailleurs sociaux, du fait de la
diminution des aides publiques et des coûts de construction élevés, ne
privilégient qu’un certain type de logement (prêt locatif social) au détriment
d’habitats qui seraient dédiés aux plus pauvres (logement de type prêt locatif
aidé d’intégration). Les bailleurs, et indirectement l’Etat et les
collectivités, délaisseraient donc des populations les plus demandeuses de
logement à loyer très modéré pour privilégier des populations qui pourraient
payer un peu plus, ce qui permettrait de réduire le coût des projets.
En outre,
l’obligation pour les communes d’avoir 25% de logements sociaux (article 55 de
la loi SRU) a pour effet d’amener les municipalités « à acquérir et
conventionner des logements existants pour leur donner un statut social, sans
accroissement de l’offre globale, ni modification du peuplement quand les
immeubles étaient occupés ». Ainsi, même si l’Île-de-France est la région
qui respecte le mieux l’article 55, il n’en reste pas moins que les moyens pour
y arriver sont de courte vue, les tours de passe-passe administratif induisant
un renforcement des phénomènes de ghettoïsation.
Les règles d’attribution du logement
social : sclérose et rancœur
La Cour des comptes pointe trois problèmes concernant le logement social : le choix des locataires est peu transparent ; le mécanisme de surloyer n’est pas efficace ; la règle du maintien dans les lieux est, dans certains cas, scandaleuse.
Ainsi, la
question du logement, social ou non, étant (aussi) affective – des personnes,
avec de moindres ressources à un moment de leur vie, obtiennent un logement
social mais ne souhaitent pas le quitter ensuite – une « vraie »
progressivité des loyers serait une bonne préconisation pour rendre acceptable
la situation, de la part du locataire mais aussi du bailleur. Il faut ainsi se
rendre à l’évidence quand on voit le faible
taux de mobilité. « 51 % des locataires occupent un HLM depuis plus de
10 ans, contre 8 % depuis moins de 2 ans en Île-de-France, à comparer
respectivement aux 41 % et 14 % relevés en province ». De plus, cela
permettrait de renforcer la mixité sociale.
La Cour des comptes pointe trois problèmes concernant le logement social : le choix des locataires est peu transparent ; le mécanisme de surloyer n’est pas efficace ; la règle du maintien dans les lieux est, dans certains cas, scandaleuse.
Ainsi, que les
règles d’attribution des logements sociaux soient peu rigoureuses ne sont en
aucun cas une information nouvelle. Au mieux une énième remontrance qui permet
de pousser
plus loin la méthode de scoring : pas la panacée mais toujours mieux
que l’attribution au petit bonheur la chance ou selon les affinités politiques.
L’intérêt du
rapport concerne plutôt la gestion des logements sociaux, précisément les
garanties de maintien dans l’habitation et la faible modulation des loyers en
cas d’augmentation des revenus. Autrement dit, la Cour propose de mettre en
place une progressivité des loyers. Et il y a urgence (financière et
politique). En effet, elle estime à 760 000 le nombre de logements sociaux en Île-de-France
(sur un peu plus de 4 millions) où les locataires devraient payer beaucoup
plus. Et de prendre l’exemple du bailleur France Habitation, qui gère
43 000 logements, et dont 10 % des locataires dépassent les plafonds de
ressources donnant droit à un logement social.
Logement privé : ne pas trop fâcher le
propriétaire
A en croire
le rapport, les mesures concernant le parc privé sont contrastées. En lisant
entre les lignes, il s’avère que les différents gouvernements, pour ménager la
classe moyenne propriétaire (ou en passe de l’être), ont fait de la politique à
la petite semaine. Par exemple, la taxe sur les
logements vacants, appliquée dès 1999, est peu dissuasive. De même, les
aides fiscales représentent – comme de coutume – un coût élevé et un effet
d’aubaine du fait d’un ciblage insuffisant. Toutefois, le pire, constaté par la
Cour, est que ces aides sont constamment reconduites et ce, alors qu’elles
n’ont pas eu l’effet espéré en termes de modération de loyer.
De plus,
près de 80 % des prêts à taux zéro sont utilisés pour l’acquisition dans
l’ancien, nourrissant la dynamique de hausse des prix sans réussir à déclencher
un renouvellement de l’offre en construction neuve. Toutefois, le rapport de la
Cour note que les décisions de réserver les aides au neuf depuis janvier 2012,
sous conditions de ressources, semblent aller dans le bon sens. Quant à l’idée
de transformer des
bureaux en logements, elle est intéressante… mais peu rentable.
Les réponses des acteurs
Un rapport
de la Cour des comptes reçoit, préalablement à sa publication, les réponses et
commentaires des administrations, organismes et collectivités concernés (pages
167-224, en
annexe du rapport complet). Concernant celui sur le logement, il apparaît
que ceux-ci – qu’ils soient des ministères, des agences publiques ou des
mairies – font à peu près le même constat même si sans le dire ouvertement
: faible efficacité des systèmes mis en œuvre, manque de coordination… Et donc,
les objectifs sont difficilement atteignables dans ces conditions.
Ainsi, les
ministères concernés (Intérieur, Economie, Logement…) avancent que les
dernières lois sur le logement (sous-entendu,
depuis un an) vont dans le sens des préconisations du rapport tandis que
les agences publiques justifient leurs actions au regard des préconisations de
la Cour. En clair, « les préconisations sont parfaites et c’est d’ailleurs
ce qu’on est en train de mettre en œuvre ».
Inversement,
la
réponse de la Mairie de Paris est plus véhémente, défendant les actions
engagées depuis l’arrivée d’Anne Hidalgo, ce que la Cour ne semble pas avoir
pris en compte. De même pour Jean-Christophe Fromantin, maire de
Neuilly-sur-Seine, qui profite du rapport pour avancer, de manière factuelle,
qu’il n’est pas opposé au logement social.
Peu de
contestation donc sur l’analyse de la Cour des comptes, ni sur les
préconisations d’ailleurs. Pourquoi, dès lors, autant de difficultés à les
appliquer ?
Le grand saut politique ?
Le rapport
de la mission d’évaluation de la politique du logement dressait un constat
identique il y a quelques mois. Pour la Cour, il est nécessaire d’un « rapprochement
du périmètre des futures intercommunalités franciliennes et de celui des divers
instruments de planification, de programmation et de contractualisation de
l’offre de logement ». Et d’enfoncer le clou : « il serait
également cohérent qu’après les programmes de l’habitat et les plans
d’urbanisme, ces intercommunalités deviennent à terme compétentes pour délivrer
les permis de construire ».
En clair, elle
propose de donner des prérogatives renforcées aux intercommunalités, appelées à
se développer en Île-de-France et ailleurs en France, et ce, au détriment des
mairies. Il est vrai qu’avec 36 000 communes, la France ne peut faire
l’économie d’une vraie réforme
territoriale, avec un écrémage des niveaux administratifs. Avec,
évidemment, la continuelle question de la remise en cause du pouvoir des élus
locaux, et donc du citoyen. Mais cette méthode semble la seule adéquate pour
trouver des solutions à une préoccupation
majeure des Français : le logement.
Aussi, la
création de « super communes » serait une solution intelligente, avec
la fonction du maire renforcée. Dans le rapport de la Cour des comptes,
Marylise Lebranchu, ministre de la Décentralisation et de la Fonction publique,
ne s’y trompe pas en disant que « le maire garde une légitimité politique
forte, à même de susciter une plus forte adhésion locale aux projets de
construction menés ».
De fait, la
fusion des quatre établissements publics fonciers existants en Île-de-France en
un seul établissement, qui sera effective au 31 décembre 2015, va dans le bon
sens. Avec
le Grand Paris. Plus généralement, cette question apparaît
légitimement : et si le schéma
d’organisation de la politique du logement était laissé à la main des métropoles ?
A bas le ministère du Logement vous avez dit ?
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