jeudi 7 novembre 2013

Le bois : enfin un nouveau regard sur une ressource ancienne

Une maison à ossature bois (crédit : http://une-maison-bois.fr)

Le bois connaît un renouveau qui est dans l’air du temps : recherche d’authenticité et de performance énergétique, potentiel industriel avéré de la filière en France, les salons ou journées professionnelles dédiés au bois et à la filière bois-construction font florès ! Un jour à Bordeaux, l’autre à Rodez, sans oublier Batimat évidemment. Quelles sont les réalités et les raisons de ce succès ?

La filière bois en France est loin d'être négligeable. Elle représente 450 000 emplois et 50 milliards d’euros de chiffre d’affaires. De plus, il ne faut pas oublier que la forêt couvre 28 % du territoire national et est la première forêt feuillue d’Europe. Concernant spécifiquement le créneau construction bois, les 2 466 entreprises (construction, charpente, bardage, menuiserie...) revendiquent 31 940 salariés et un chiffre d’affaires total de 3,9 milliards d’euros. Ainsi, la France dispose d’un gisement de ressources biologiques et valorisables économiquement… qu’elle a bien du mal à renforcer malgré les initiatives des acteurs sur le terrain.


Le bois : des atouts indéniables mais une faible utilisation

L’effet de mode actuel concernant le bois s’appuie sur des atouts pérennes. Outre sa longévité et durabilité, ce matériau « respire », ce qui est idéal pour la performance thermique des bâtiments, hiver comme été. Le confort de vie est optimal (les bâtiments peuvent être isolés à base de ouate de cellulose, de chanvre, laine de verre ou laine de roche) car le bois isole mieux qu’une construction maçonnée à épaisseur égale. De plus, le bois étant un matériau à très forte inertie thermique, la consommation énergétique y est faible et moins coûteuse. Parallèlement, le bois est un isolant acoustique performant, ce qu’on oublie souvent.

En termes de coûts, la construction bois peut se révéler avantageuse, même s’il est généralement admis qu’une maison à ossature bois (MOB) coûte au minimum 10 % plus cher qu’une maison traditionnelle : moins de béton pour la dalle et les fondations, un entretien/réparation – voire des transformations – facilité et une construction en temps record, du fait d’un simple assemblage d’éléments préfabriqués. Ainsi, une maison bois peut être livrée en 4 à 5 mois, contre 10 pour une construction maçonnée.

Bien évidemment, son utilisation n’est pas nouvelle (certaines régions françaises, comme les Alpes avec les chalets, nous le rappellent) mais le Grenelle de l’environnement a sans doute démocratisé son utilisation et brisé certains tabous. Aussi, comme le rappelle le Comité national pour le développement du bois, « en construction publique, le bois représente 20 % des bâtiments culturels, et de plus en plus de maîtres d’ouvrages publics imposent le matériau bois dans leur programme de logements collectifs ».

Pourtant, si la construction de maisons individuelles entièrement en bois (plus précisément, 75 % des maisons neuves construites en bois sont à ossature bois) a progressé ces dernières années en France, elle ne représente qu’un peu plus de 11 % des nouveaux chantiers (certes, contre 4 % en 2000). Ce taux est de plus de 30 % en Allemagne. Concernant l’extension-surélévation des maisons, le bois est mieux apprécié et représente 18 % des agrandissements. Quant au marché de la construction de logements collectifs, le bois représente 4,9 %. Enfin, 10 % des surfaces construites dédiées aux bâtiments tertiaires (commerces, bureaux et bâtiments publics) intègrent le bois.

Un problème culturel et structurel

Culturellement, la France reste attachée au modèle de l’après-guerre de la « maison de maçon » faite de briques, parpaings et béton. De plus, le bois renvoie une image vieillotte et bas de gamme. Enfin, qui dit bois, dit incendie… L’image reste ancrée même si elle est fausse, les maisons en bois n’étant pas plus touchées que les autres par ce type de sinistre.

Par ailleurs, le cadre réglementaire reste un frein crucial. En effet, les normes restent inadaptées au bois et renchérissent le coût de la grande hauteur, empêchant une plus grande démocratisation de ce matériau et corollairement la professionnalisation du secteur. Or, en Europe, les réglementations sont plus souples sans qu’un souci notable n’apparaisse (effondrement d’un bâtiment, incendie, etc.). Pour finir, le prix du bois est très volatil, empêchant une visibilité des industriels… et des consommateurs intéressés.

Néanmoins, les acteurs (promoteurs, collectivités locales, etc.) ont pris conscience du potentiel du bois et plusieurs projets – certes petits (5 ou 6 étages maximum) et à construction hybride faisant appel à l’acier ou le béton – sont discutés/lancés ces dernières semaines. Mais là aussi, l’étranger nous montre nos lacunes : en Suède ou en Autriche, certains projets d’immeubles d’habitation font 10 à 15 étages.

Un dynamisme récent concernant la maison en bois.

Les efforts des professionnels ces dernières années commencent à payer : plus grande professionnalisation, industrialisation des processus de production, mise en place de bureaux d’études internes… ce qui conduit à une plus grande préfabrication en atelier et donc, à une diminution des temps d’intervention sur chantier. Tout ceci, sans impacter négativement les ressources puisque 92 % des achats de bois sont certifiés gestion durable de la forêt.

Il n’est donc pas surprenant de voir fleurir les initiatives. Celle de Guillaume Poitrinal, ancien patron d’Unibail-Rodamco, est révélatrice de l’intérêt des différents acteurs pour le bois. Sa société, Woodeum, s’est alliée au leader finlandais Stora Enso afin de proposer un produit qui a fait ses preuves (le Cross Laminated Timber). Fort de l’avis technique du CSTB, Guillaume Poitrinal compte bien bousculer les mentalités… et les parts de marché des géants du BTP et de l’immobilier.

D’autres misent sur le contenu local pour attirer les clients – la société familiale Rullier développe une maison à ossature bois n’utilisant que des produits fabriqués dans un rayon de 180 kilomètres – ou sur l’innovation produit. Ainsi, le groupe Trecobat propose une maison à ossature bois prête à finir accompagnée par les corps d’état secondaires sur palette (cloisons, plomberie, sanitaires, électricité, chauffage) en kits prêts à monter avec des notices techniques.

Enfin, les alliances entre acteurs existent. Par exemple, dans le sud-ouest, les sociétés Concept Aquitaine, L’Atelier d’agencement et La Résinière se sont regroupées pour lancer les Maisons 4 saisons, modules de 47 mètres carrés qu’il est possible de placer côte à côte ou les uns sur les autres. Toutefois, ce dynamisme occulte certaines limites de la filière.

Les atouts français cachent un paradoxe… risible.

D’abord, un chiffre : 65 millions d’euros. C’est le chiffre d’affaires du leader du secteur, Arbonis, filiale de Vinci. Chiffre à rapporter à celui du groupe de BTP : 38,6 milliards. Autant dire que la filière bois-construction reste petite et atomisée. Plus grave, malgré une ressource abondante, permettant que 39 % des actes d’achat en bois de construction se fasse auprès de scieries françaises (en 2012), la France peine à mobiliser cette matière première pour répondre à une demande croissante au point de devoir importer énormément de bois transformé (donc à haute valeur ajoutée).

Dès lors, on comprend les soubassements du plan d’action pour l’avenir de la filière bois, présenté mi-octobre et appuyé par les ministères de l’Agriculture, du Redressement productif et du Logement.

L’objectif est d’améliorer la compétitivité de la filière et la performance des entreprises, générant de nouveaux emplois. Au-delà la sacro-sainte création d’un Comité stratégique de la filière bois – et oui… c’est bien connu : en France, les acteurs d’une même filière se toisent et ne travaillent pas ensemble – permettant d’insuffler une nouvelle dynamique et d’élaborer une vision stratégique nationale, la question cruciale du financement sera en partie répondue par la mobilisation de bpiFrance.

En outre, le bois construction fera l’objet d’actions réglementaires spécifiques pour faciliter son utilisation dans la réalisation-rénovation de bâtiments : obligation d’utiliser du bois dans la construction, réflexion sur la construction de grande hauteur, promotion de produits constructifs innovants en bois... Cela passera vraisemblablement par les futures réglementations, notamment RT 2020 ou encore les « Déclarations Environnementales des Produits ».

La filière forêt-bois, qui a fait son entrée au Conseil national de l’industrie et au Conseil national de la transition énergétique, n’a donc aucune excuse pour ne pas réussir cette triple révolution (économique, écologique et industrielle) qui lui est assignée.


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2 commentaires:

  1. Article très intéressant. L'urgence est effectivement d'organiser une vraie filière industrielle nationale. La balance commerciale de la filière bois est catastrophique. Nous sommes fournisseurs de bois "matière première" et réimportons des produits finis. Ceci est vrai pour les meubles et même sur le bois de construction nous importons deux tiers de nos besoins.

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  2. Oui , très bonne synthèse de la situation paradoxale et bien française , d'accord aussi avec le précédent commentaire sur l'urgence (encore une !) de l'organisation à mettre en place. Alors voilà la question: Par où commence-t-on ? Comment attaquer la solution , avec quel chef d'orchestre ? face à des intérêts contraires localement où la Région Rhône-Alpes fonctionne autrement qu'en Aquitaine. Merci de votre réponse !

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