Selon UFC-Que Choisir, il y a urgence à réformer le système (source : geoplc.com)
La
rénovation énergétique aurait pu être une
des portes de sortie de crise du bâtiment. Malheureusement, trop peu a été
fait jusque-là malgré des déclarations péremptoires. Pour le président du Plan
bâtiment durable, Philippe Pelletier, deux ans ont été perdus après l’annonce faite par François Hollande de porter à
500 000 le nombre de logements rénovés. « Jusqu’en
septembre 2013, le sujet n’a pas été traité de manière très active. Nous en
sommes aujourd’hui au stade de la mise en mouvement ». Mais au-delà du
volontarisme politique, c’est tout le système qui est en cause. Ce qu’a
démontré clairement la dernière
enquête d’UFC-Que Choisir.
UFC Que-Choisir, le trublion de la
consommation
Est-il
nécessaire de présenter UFC-Que
Choisir ? Association loi de 1901 créée en 1951, ses objectifs sont
immuables : informer, conseiller et défendre les consommateurs. Réunissant
près de 154
associations locales et plus de 150 000 adhérents, elle tient 350 points d’accueil
répartis sur l’ensemble du territoire. Autant dire que sa force de frappe est
bien réelle. Chaque année, elle sort des guides d’achats, des analyses sur les
innovations produits, des tests et comparatifs
grandeur nature, propose des lettres types afin de faire valoir ses droits, mène des
enquêtes de terrain, des actions en justice sur la base d’analyses
technico-économiques…
Ses derniers
combats ont fait la une de la presse : tarifs bancaires, facturations
téléphoniques, pollution de l’eau… Pourtant, ce professionnalisme, la
pertinence des actions et des arguments déployés restent sous-estimés par les
acteurs en présence : en premier lieu desquels les industriels ciblés.
Cette réorientation de l’association, on la doit à Alain
Bazot, président depuis 2003 et chantre d’un « lobbying à ciel ouvert ». Il milite également pour la mise en place d’une class action à la française. Selon lui,
l’association doit être un acteur du changement : pas seulement critiquer
ou proposer mais agir sur les corps constitués et les différentes parties
prenantes.
Vraie caisse
de résonance des consommateurs, UFC-Que Choisir devient un prescripteur de
tendances, voire une efficace
machine de guerre et d’influence, comme le montre
sa dernière saillie sur la mention RGE (Reconnu
Garant de l’Environnement).
Une surprise qui n’en est pas une
Cette
enquête est-elle une surprise ? A vrai dire non car en novembre 2012, UFC-Que
Choisir a vilipendé le
chauffage électrique et ses impacts économiques désastreux. Or, derrière
cette critique à peine voilée du complexe électro-nucléaire français se cache
la question
des politiques incitatives liées à l’efficacité énergétique des logements.
En début d’année
2014, l’association met en exergue le micmac autour de la simplification du
système de certificats
d’économie d’énergie, déjà obscur et complexe.
Pour finir, la
tribune d’Alain Bazot sur son
blog, en janvier 2014, laisse peu de doute à ce que cette problématique soit
un des objectifs prioritaires d’UFC-Que Choisir : « nous entendons bien débroussailler la jungle
tarifaire et informative du marché de la rénovation énergétique ».
Autant dire
qu’en annonçant aussi clairement sa stratégie, il est surprenant des réactions de
certains acteurs du secteur du bâtiment.
Rénovation, piège à cons ?
Le constat
est très sévère pour la politique
actuelle de rénovation énergétique des logements : des milliards
investis pour des résultats médiocres. En 2011, ce sont 21 milliards d’euros
dépensés (14 milliards par les particuliers, 7 milliards de fonds publics) pour
seulement 5% (134 000) de logements rénovés de façon performante. Ubuesque.
Pour
comprendre cette gabegie, UFC-Que Choisir choisit de s’intéresser aux personnes
en charge de réaliser les diagnostiques énergétiques, c'est-à-dire à leur
professionnalisme et aussi à leur performance, ce qui fait tout l’intérêt de l’enquête.
En effet, la
rénovation repose actuellement sur deux types d’acteurs : d’une part, les
professionnels labellisés « RGE », ce label étant une garantie de compétences
des techniciens ; de l’autre, les partenaires d’EDF et GDF-Suez, les deux
mastodontes qui s’orientent graduellement vers les services énergétiques
(marchés très dynamiques).
Sans revenir
sur la totalité de l’étude (mais lisez-la, elle
vaut vraiment le coup d’œil), quelques conclusions méritent d’être
avancées. Comme le dit l’association, un audit énergétique total du bien
immobilier est indispensable pour la fiabilité des recommandations. Or, « à peine 58% des prestataires ont visité l’ensemble
des lieux. Pire, sur les 29 déplacements, seuls 8 rapports personnalisés et
exhaustifs ont été remis aux propriétaires. 15 professionnels se sont contentés
de devis standards contenant essentiellement des recommandations sommaires de
travaux, quand 6 n’ont même pas pris la peine d’envoyer le moindre document. Au
final, seul un quart [25% ??!!]
des prestataires respecte l’exigence d’audit préalable ».
De fait, qui
dit mauvais audit, dit propositions de travaux fragmentaires, voire absurdes.
Ainsi, « seul un professionnel sur
les 23 ayant adressé des recommandations écrites, a proposé des travaux sur les
3 critères exigés en matière de rénovation énergétique : enveloppe du logement,
ventilation, production de chaleur ». Quant aux aides financières, c’est
à l’avenant.
Pas d’évaluation globale, un
professionnalisme aléatoire
Sur les
trois critiques présentées par l’association, la dernière peut être minorée. En
effet, il faut remarquer que le système incitatif est tel qu’il faudrait que
les professionnels deviennent également expert-comptable… La critique est donc
directement imputable au législateur.
Toutefois,
concernant les deux premières, les professionnels sont en plein dans l’œil du
cyclone. Selon UFC-Que choisir, le corporatisme
et le manque de professionnalisme prévalent. Ce qu’avait déjà évoqué
Bâti 2030 en juillet dernier (en pointant la nécessité absolue d'une montée en gamme des artisans)… En effet, la logique corpo-centrée des
techniciens – et donc leur expertise sur un seul segment de la rénovation – les
conduit à ne proposer que des travaux/conseils sur leur expertise personnelle.
Le client, par définition non expert, se trouve donc induit en erreur. Or,
celle-ci (s’il réalise les travaux et que les économies d’énergie ne sont pas
au rendez-vous) n’est pas opposable juridiquement.
Par
ailleurs, même s’il existe des cas malintentionnés (souvenez-vous
de l’écodélinquance), UFC-Que Choisir met surtout en avant le mal qui mine
le BTP français : une inadaptation chronique des salariés et entreprises
pour faire face aux enjeux de notre temps. On l’a déjà vu pour le numérique
ou encore dans la filière
bois. Le cas de la filière rénovation est encore plus criant. Pour
l’association, la formation RGE est l’accusée car « caricaturale et trop théorique assortie d’un contrôle hypothétique tous
les quatre ans qui n’a rien de pédagogique ». Et d’enfoncer le clou : «
pour nous RGE, signifie pour l’instant «
rien ne garantit l’efficacité » ».
Un bilan désolant qui pousse à
l’action : pour un « architecte-énergéticien »
Pour
reprendre une analogie footballistique, on joue comme on s’entraîne. Or, avec
une formation FEEBat en 5 modules de deux jours en moyenne, il ne faut pas se
leurrer sur la compétence des professionnels de la rénovation. Pis, la
formation des artisans indépendants pour décrocher le label RGE ne dure que
deux jours. De plus, comme toute formation, n’est crédible que ce qui est
sanctionné. Aussi, UFC-Que Choisir propose de la renforcer et de contrôler
l’attribution de la mention RGE.
Mais le plus
intéressant reste la proposition de développer une filière d’experts
indépendants (sous-entendu, autonome des professionnels du BTP et des géants de l’énergie). Ainsi, ces
architectes-énergéticiens
(pages 26-29) seraient en mesure :
- De réaliser un audit complet et non biaisé (volontairement ou non) du logement : évaluations financières, proposition de travaux, chiffrage de l’objectif d’économie d’énergie.
- Coordonner les travaux : interlocuteur unique entre les professionnels et le client. Garantir effectivement les économies d’énergies, via un audit de fin de travaux.
- De mener les audits de fin de travaux : ceux-ci serviront de preuve contre les professionnels si ces derniers n’ont pas réalisé les objectifs assignés mais également d’outil d’analyse de la pertinence des politiques publiques (et de l’octroi des aides financières).
Or, cette
proposition – et l’enquête d’UFC-Que Choisir en général – n’est pas sans
froisser le microcosme du bâtiment. Certains tirent à boulets rouges sur
l’association et sa méthode quand d’autres y voient une opportunité de pousser
plus loin leurs intérêts. Ce que nous verrons dans un prochain article.
Pour lire la deuxième partie consacrée à la RGE et l'opposition entre les acteurs du BTP, cliquez ici.
Pour lire la deuxième partie consacrée à la RGE et l'opposition entre les acteurs du BTP, cliquez ici.
Nous suivre sur Twitter : @Bâti2030
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
N'hésitez pas à poster vos commentaires et avis !