L'encadrement des loyers : une bonne idée... mal fagotée
(source : http://www.territoires.gouv.fr)
L’encadrement des loyers, proposé en 2012 dans le projet de
loi sur le logement et l’urbanisme (ALUR), « seule
politique de gauche » du quinquennat selon Cécile Duflot, a suscité
une levée de boucliers de la part des professionnels et, inversement, une
défense pied à pied de la part de la précédente ministre du Logement. Bien évidemment,
les professionnels du secteur ont tiré à boulets rouges, parlant d’une
élucubration de plus de la part du Gouvernement Ayrault, incitant les
gouvernants à arrêter
de succomber aux charmes de leurs muses idéologiques.
A regarder les arguments des uns et des autres, force est de
constater que les personnes et organismes les plus acharnés (en soutien ou en
opposition) ont continuellement biaisé le débat avec des arguments idéologiques
voire dépassés. Arrivera-t-on un jour à faire une analyse réaliste de la
situation, quel que soit la problématique, et à proposer des solutions justes
et efficaces pour le bien de tous ? Vaste programme comme
dirait l’autre. Pis, la loi est-elle pertinente dans un contexte de baisse des prix
immobiliers ? En effet, selon certains spécialistes, nous serions à l’aube
d’une phase de retournement, durable et significative.
Une loi à contretemps ?
Bloquer les loyers alors que les prix baissent…
Il est une question qui taraude beaucoup de personnes :
sommes-nous
au début d’un grand retournement du marché immobilier national, et
particulièrement dans les grandes villes ? En effet, certains, comme l’économiste
Jean-Luc Buchalet, n’hésitent pas à prédire une baisse d’au moins 30 % des
prix par rapport au pic de 2011, dans cinq à dix ans. « A Paris, on pourrait avoir une baisse de 5 à
6% en 2014, de 10% en 2015, puis de 4% dans les années qui suivent » (soit 40% sur la période !).
Cette analyse fait écho à l’indice
Notaires-Insee des prix des logements anciens, pour le deuxième trimestre. Même
si la stabilité prévaut sur les trois derniers mois, la tendance baissière est
confirmée. En effet, les
prix continuent de baisser sur un an (-1,2%, après -1,9% au premier trimestre) : cela
concerne à la fois les appartements (-1,1%) et les maisons (-1,3%). Mêmes
résultats tirés de l’étude
semestrielle de la Chambre des notaires de Paris, pour le marché
immobilier francilien cette fois.
A l’inverse, la dernière
étude de Clameur avance des chiffres différents concernant les loyers à Paris : on assiste à une stabilisation, avec une hausse de 0,7% sur les 12 derniers mois (soit le niveau d'inflation). Toutefois,
cela pourrait déboucher sur leur baisse dans les prochaines années, pas
seulement dans la capitale. En effet, selon Clameur,
ils sont en baisse
dans 37,5% des villes de plus de 10 000 habitants. Bonne nouvelle ?
Difficile à dire tant le marché de la location est lui aussi sinistré et
hétérogène. Certes, la mobilité résidentielle des locataires est la plus faible
depuis 1998. Mais les petites surfaces (un ou deux pièces) connaissent une (toute petite) progression des loyers…
Par ailleurs, Clameur
s’intéresse aux effets de l’encadrement des loyers, notamment à Paris, et
il s’avère que les résultats sont quelque peu explosifs. En effet, le
dispositif profiterait surtout aux ménages aisés, soit l’inverse de l’objectif
recherché par la loi Alur ?! Ainsi, 20,7% des loyers de la capitale
seraient concernés, ceux-ci connaissant une baisse moyenne de 23,1 %. Inversement,
12,8% des logements parisiens aux loyers en dessous du loyer de référence
seraient revalorisés d’environ 10,5 %.
Aussi, pour l’économiste Jean-Claude
Driant, « cette régulation des loyers
n’aura pas un impact considérable sur le marché, elle intervient trop tard : les
loyers sont déjà élevés ». Et en baisse, à priori.
Une autre loi est
possible…
Le débat sur l’encadrement des loyers a gagné en clarté lorsque
le Conseil d’analyse
économique (CAE), rattaché auprès du Premier ministre, a publié une note intelligente
et tempérée sur le sujet, en octobre 2013. Certes, selon les deux auteurs, Alain Trannoy et Etienne Wasmer, « l’encadrement des loyers tel qu’il est conçu
dans le projet de loi sur le logement et l’urbanisme est inopérant
et pas très efficace ». Mais ne la condamnent pas pour autant. Ainsi, ils
font réellement une analyse d’un sujet complexe, ô combien politique et marqué
idéologiquement (malheureusement…).
En effet, selon Etienne
Wasmer, le logement locatif connaît deux problèmes : un manque de
stock (des logements à louer) et un manque de mobilité (chômage et loyers
élevés n’incitent pas le locataire à changer de logement et/ou à acheter). Et de
proposer la mise en place de la flexi-sécurité dans le logement. En effet, le
propriétaire-bailleur n’a pas à supporter les problèmes de chômage et de
précarité du locataire (baisse des revenus…). Par conséquent, et parce que l’encadrement
des loyers n’est pas la meilleure solution, il est nécessaire de mettre en
place une institution paritaire (une régie du logement), avec des élections
permettant la représentation des locataires et propriétaires, et qui
interviendra en première instance sur les contentieux locatifs.
Par ailleurs, les contrats de location devraient être
assouplis dans le sens d’une plus grande protection des propriétaires-bailleurs.
Les motifs permettant au bailleur de récupérer son logement à la fin du bail seraient
plus nombreux et un droit de visite annuel du logement serait institué,
permettant, en cas de dégradations lourdes, de mettre fin au bail.
… tout en encadrant
les loyers
L’encadrement des loyers proposé par la loi Alur symbolise-t-elle
l’échec des politiques publiques, ces dernières années, sur la question du
logement ? En effet, en arriver à vouloir encadrer les loyers signifie
bien qu’il y a un problème non résolu et criant. Et bien évidemment,
chacun aura sa solution pour le résoudre. Via l’encadrement des loyers ?
Selon la note du CAE, cette solution ne fonctionne pas. Pas
du fait du sabotage
de la loi par certaines professions et de la démagogie/revirements des politiques
mais plutôt pour des questions techniques. En effet, pour connaître la médiane
des loyers pratiqués localement, servant de référence pour ajuster le loyer, il
est nécessaire de disposer des données nécessaires. Or, les variables sont trop
nombreuses (taille du logement, situation dans une ville voire dans l’immeuble
même…). Pis, l’encadrement, s’il est généralisé tel quel, accélère la raréfaction
de l’offre. Problème central, nous l'avons vu.
D’où la nécessité d’expérimentations tout en sortant du modus operandi habituel en politique « j’impose une loi » qui va générer plus d’effets négatifs que de
résolution au problème pour laquelle elle a été votée. Ainsi, l’encadrement des
loyers ne doit pas être abandonné mais expérimenté. Les
Français le souhaitent car le logement, avec l’emploi, est une de leur préoccupation
première. Cet enjeu est particulièrement criant dans le monde étudiant et l’UNEF ne s’y trompe pas en interpellant
les différents maires.
Aussi, comme le rappelle justement La
Tribune, « entre promesse
présidentielle, vote par le Parlement et rétropédalage à Matignon […] un
compromis semble se dégager sur ce volet de la loi Alur en l’attente de décrets
: il sera appliqué sur la base du volontariat des communes ». Certains
y verront un nouvel exemple de l’impéritie française. Mais voyons le bon côté :
et si, en définitive, la bonne solution était une expérimentation locale, au
cas par cas, en se donnant le temps de voir ce qui fonctionne ou pas. Bref, de
la retenue et de l’intelligence dans un débat politique alternant la crispation
et l’exaltation (autoritarisme et idéologie si vous préférez) sur ce sujet.
Comme le marché de l’immobilier sur la dernière décennie finalement…
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* Les agglomérations concernées sont : Ajaccio, Annecy,
Arles, Bastia, Bayonne, Beauvais, Bordeaux, Draguignan, Fréjus,
Genève-Annemasse, Grenoble, La Rochelle, La Teste-de-Buch-Arcachon, Lille,
Lyon, Marseille-Aix-en-Provence, Meaux, Menton-Monaco, Montpellier, Nantes,
Nice, Paris, Saint-Nazaire, Sète, Strasbourg, Thonon-les-Bains, Toulon,
Toulouse.
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