L'emploi dans le BTP en plein marasme. Quid du futur ? (source : www.leconomistemaghrebin.com)
Le secteur
de la construction fait la une des gazettes depuis quelques mois et encore
récemment avec le plan
de relance concocté par Manuel Valls. Mieux vaut tard que jamais dirons-nous,
et les professionnels espèrent une inflexion rapide de l’activité grâce aux
mesures annoncées. Car aujourd’hui, il est une courbe qui continue
irrémédiablement sa course descendante : celle du nombre de salariés dans
le secteur. A l’image des chiffres avancés récemment pour la Haute Corse. En un
an, pas
moins de 500 salariés ont déjà été licenciés sur les 6 000 emplois que
représente la filière. En Aveyron, le bâtiment et les travaux publics représentent
aujourd’hui 5 600 salariés. Ils étaient près de 7 800 il y a six ans et la fédération
départementale table sur 500 suppressions en 2014.
L’emploi, à
l’image du taux de chômage national, est bien le symbole du désastre que vit le
secteur. Et personne n’en parle, tous focalisés sur le nombre de logements
neufs en construction, les effets réels ou supposés de telle ou telle loi… Qui
pense aux salariés ? La relance du secteur devrait ramener une création d’emplois,
on l’espère. Mais le mal est plus profond : il y a un problème quantitatif
(destruction ou création d’emplois) couplé à un enjeu qualitatif (la formation
et l’employabilité des ouvriers, cadres, ingénieurs…). D’où le paradoxe suivant :
la crise s’accompagne de difficultés à embaucher du fait d’un manque de
compétences techniques, problème qui ira crescendo à l’avenir.
Le BTP, moteur oublié de la croissance
Le drame du
BTP est d’avoir une image has been. Il n’est pas l’industrie, qui engrange
l’estime politique et qu’on promeut à tout va, « patriotisme
économique » oblige. Il n’est pas la high tech ou la finance, secteurs
rêvés des jeunes générations. En effet, le secteur de la construction est un
secteur à part, qui regroupe
toutes ces activités, qui est porteur d’enjeux qui traverseront ce siècle
comme le développement durable, le bien-être (aussi
bien dans son logement qu’en ville) ou la compétitivité
de notre économie.
Cela est
triste à dire mais on redécouvre actuellement la centralité de la construction
dans l’économie. Pour quelle raison ? Essentiellement au travers du mauvais
chiffre de la croissance. En effet, après 0,3 % de hausse en 2012 et 2013,
les différents instituts économiques prévoiraient un petit 0,5 % pour 2014,
obligeant le gouvernement à revoir son estimation de 1 % de croissance sur
laquelle il tablait pour son budget. Quid du bâtiment dans ce marasme ?
Selon Laurent
Clavel, économiste à l’Insee, la panne
dans le BTP coûtera cette année 0,4 point de croissance à la France. Et d’en
remettre une couche sur l’action gouvernementale depuis 2012 : oui, la
priorité était la relance du secteur avant de réformer et de réguler
certaines dérives.
Et le nouveau
gouvernement Valls en a compris l’urgence : pas seulement dans les mesures
annoncées récemment mais aussi dans ses différents discours où il
ne manque jamais une occasion de souligner l’importance économique du secteur.
Quant au déclassement de Sylvia Pinel, ministre du Logement, celui-ci est acté
et confirmé. Le
sujet de la relance du secteur est traité à Matignon.
L’emploi en chute libre depuis 2012
La situation
du BTP est souvent résumée à la chute du nombre de logements en construction, aux querelles
picrocholines entre acteurs du secteur et les politiques ou encore la
recrudescence du nombre de faillite d’entreprises. Certes, le
chiffre d’affaires du secteur a baissé de 20 % depuis 2008 mais un autre
chiffre est particulièrement révélateur du désastre ambiant : le nombre de
salariés dans le secteur, en chute libre depuis 2012. En effet, les chiffres
fournis par l’INSEE, lors de sa dernière
note de conjoncture pour le premier trimestre 2014, sont éloquents.
Ainsi, au
T1 2014, le secteur a (encore) détruit 4 300 emplois, soit 20 800
postes sur une année. Le BTP, selon l’INSEE, concerne, en mars 2014,
1 390 000 emplois, en baisse d’1,5 % sur un an. La dernière hausse
remonte au premier trimestre 2012. Cette année-là, le
secteur revendiquait 1 842 000 d’emplois, pas très loin du record de
2009, avec 1,88 millions de salariés.
Actuellement,
2014 marque un point bas de l’emploi salarié dans le secteur de la
construction. Pis, il bat le record de 1998, année de retournement et
de la fin de la crise débutée au milieu de la décennie. En prenant exemple sur
celle-ci, faut-il tabler sur une hausse de l’emploi dans le secteur à partir de
2020 ? La dernière
note de conjoncture de l’INSEE laisse malheureusement peu de place au
doute…
Quant à la
Fédération Française du Bâtiment, elle
avance des chiffres à peu près équivalents, en juin 2014. Selon elle,
1 144 000 salariés travaillent dans le secteur ainsi que 325 000
artisans, soit 1 469 000 personnes au total. A noter qu’en décembre
2011, la FFB chiffrait le nombre d’artisans dans le secteur à…
478 000 ?! La violence de la crise résumée en un seul chiffre,
sans parler des évolutions analogues pour la force
supplétive que constituent les intérimaires.
Des fondamentaux précaires augurent d’un
avenir sombre
La situation
est grave dans le secteur du bâtiment, que cela concerne la construction neuve
ou les travaux publics. Toutefois, les professionnels estiment que le plan
Valls peut rapidement amorcer un effet d’entraînement et donc la création d’emplois.
En effet, comme l’explique Jacques
Chanut, président de la FFB, « quand
on bâtit des logements, on fait aussi travailler toute la filière amont
(carrières, cimentiers, fabricants de vitres, de parpaings…) et aval
(plombiers, électriciens, entretien des chaudières…) ». Et de chiffrer la
création de 1,6 à 1,7 emploi par mise en chantier d’un logement neuf (même
si ce chiffre diverge selon les professionnels).
En outre, le
plan ne se focalise pas sur une région précise, comme
les travaux du Grand Paris, mais sur tout le territoire. Pour finir, en ces
temps de concurrence internationale, les emplois sont non délocalisables, même
si le BTP reste impacté par la problématique
du travail détaché.
Toutefois,
derrière ces espoirs de redémarrage rapide, il existe bel et bien une
fragilisation tendancielle de l’emploi dans le secteur du BTP et qui nécessite
des réformes urgentes. En effet, il s’avère que les entreprises, actuellement,
peinent à recruter du personnel qualifié (sans parler de l’effet papy-boom). La
grave crise du secteur cache ainsi le paradoxe suivant : les salariés n’ont
jamais eu autant besoin de formations et de qualifications pour concrétiser les
diverses exigences normatives (environnement, maquette numérique, sécurité, rénovation
énergétique…) demandées par le législateur mais également par le
consommateur. Par exemple, concernant
la domotique. Un paradoxe qui tranche une bonne fois pour toute avec l’image
has been du secteur ou encore la perception qu’on en a : celle d’un
secteur s’appuyant sur une armée de personnel non qualifié.
De même, la
dernière campagne du CCA-BTP, l’organisme
professionnel en charge de l’apprentissage dans le bâtiment, est révélateur
d’une catastrophe nationale. La France, en ne sachant pas (plus) préparer l’avenir,
laisse un héritage terrible aux générations futures : celui de personnes
pas ou peu qualifiées, qui ont connu plus de périodes de chômage que de
travail, ce qui a des effets incertains. On parle souvent des conséquences
économiques et sociales du chômage mais analyse-t-on les conséquences
psychologiques de cette période sur un individu et notamment le sentiment de
déclassement et de rabaissement ?
L’emploi et
l’employabilité sont donc fondamentaux pour ce pays et pour le secteur de la
construction, et même si le plan de relance de Manuel Valls permettra – on l’espère
– d’atténuer le chômage, une nécessaire révolution des consciences doit encore
se produire.
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