Une loi, à elle seule, enclenche-t-elle une prise de conscience ?
(source : mon-immeuble.com)
Alors qu’actuellement a lieu, à l’Assemblée nationale, l’examen
des différents articles du projet
de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte (PLTECV
pour les intimes…), certains commentateurs, députés
et experts s’accordent à dire que le bâtiment est le principal gagnant des
dispositions discutées. Il faut néanmoins reconnaître que pour le béotien, le spectacle est tout autre.
En effet, la
couverture médiatique – raccourcis médiatiques devrait-on dire – privilégie plutôt
l’analyse
de courte vue de certaines personnalités politiques, le pseudo-débat
sur la part du nucléaire dans le mix énergétique ou encore la taxe
carbone... La bataille
d’amendement fait rage, les noms d’oiseaux pleuvent, les « obscurantistes »
de droite s’opposent aux « sectaires » de gauche (pour résumer)… La
faiblesse du débat parlementaire n’a d’égal que la compétence de certains
députés et sénateurs dans les commissions : merci
l’OPECST !
Or, derrière les articles du PLTECV se cache en réalité une faiblesse originelle dans la manière de poser la problématique de la transition énergétique, notamment concernant le bâtiment.
De l’importance du
moment
La transition énergétique, tout le monde comprend l’urgence
(changement climatique, raréfaction des ressources, précarité énergétique,
préservation de l’environnement…) mais chacun a sa solution. Le problème est
tellement complexe qu’une hauteur de vue est obligatoire. Nicolas
Hulot le rappelle à juste titre : nous sommes à un « moment de vérité, excessivement important » qui « donnera un signal soit d’ambition, soit de
frilosité ».
Ainsi, il ne peut y avoir d’échec dans ce qui sortira du débat politique
sur la PLTECV. Au niveau national, les enjeux socio-économiques sont trop
importants. Au niveau international, la France, qui accueille la grande
conférence climat de l’ONU en décembre 2015, ne peut se permettre d’envoyer un mauvais signal. Toutefois, le problème est de savoir quand la politique se mettra au niveau des
enjeux. En effet, 3
ministres en deux ans, ce n’est pas très sérieux…
Transitionnons !
Oui… mais de quoi parle-t-on ?
La transition
énergétique, tout le monde est d’accord sur le
terme mais personne n’a la même définition. Selon Wikipédia, c'est le passage d’un système énergétique utilisant des
ressources non renouvelables – ou carbonées, c’est-à-dire les combustibles
fossiles – vers un bouquet énergétique basé principalement sur des ressources
renouvelables. Or, cette définition est d’ores et déjà biaisée.
En effet, la transition énergétique peut indiquer moins de
consommation de ressources combustibles. Par exemple, un pays (Chine, Inde, Allemagne,
Danemark…) peut réduire drastiquement sa dépendance au charbon pour produire de
l’électricité et se tourner vers le gaz : il réalise alors une transition
bénéfique pour le climat. Mais
quid financièrement ? L’Allemagne
s’en mord déjà les doigts.
De même, les pro-nucléaire soutiennent que l’atome est une solution pour réussir la transition
énergétique puisqu'il est une énergie décarbonée. D’autant plus que le parc français étant
rentabilisé, l’énergie est à meilleur coût. A l’inverse, développer l’éolien et
le solaire oblige à « dépenser de l’énergie » pour extraire les
ressources nécessaires à leur production (acier, terres rares, nickel, etc.). Aussi,
certains avancent que la France a
déjà fait sa transition énergétique.
Le bâtiment est bien
la pierre angulaire de la transition énergétique
Au-delà de ce débat conceptuel, mais qui reste nécessaire,
tout le monde aura compris qu’il y a urgence. Et au regard des 140
pages du PLTECV présentées en commission, la rénovation énergétique de l’ancien
apparaît comme une problématique centrale. Comme le rappelle Ségolène Royal, Ministre
de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie, « l’énergie
la moins chère est celle qu’on ne consomme pas ». Ainsi, le titre II de
la PLTECV propose des articles de lois qui vont modeler, sur le long terme, le
secteur de la construction-rénovation. Une deuxième
marque de confiance de la part du gouvernement Valls, après la séquence
Duflot.
Sans revenir
en profondeur sur le texte, les principales mesures sont relatives à la
simplification des lois (plan d’occupation des sols, plan d’aménagement et plan
local d’urbanisme) et leurs implications sur les travaux d’isolation. De même,
les financements sont facilités et amplifiés, mais s’accompagnent d’une obligation
à améliorer significativement la performance énergétique à chaque fois que des
travaux importants sont réalisés. Le parc public fait bien évidemment figure d’exemplarité,
entièrement rénové à l’horizon 2050 afin d’atteindre le niveau
basse consommation, voire plus (Bepos). Pour finir, à l’initiative des
députés, la performance énergétique est inscrite dans les critères de décence
d’un logement, de même que la création
d’un carnet de santé du logement.
Des fragilités dans
le mode de raisonnement
Néanmoins, le PLTECV souffre de fragilités. Certes, aucune loi
n’a l’ambition d’être parfaite mais Delphine Batho, prédécesseure de Ségolène Royal
et actuellement l’une de ses meilleures ennemies, rappelle à juste titre les
faiblesses financières du texte alors que, dans le même temps, la loi de
finances 2015 table sur une baisse de 5,8 % des crédits du ministère de l’Ecologie.
Pour Ségolène Royal, le problème n’est pas là. Il faut, au
contraire, voir les vertus du PLTECV : baisse des factures, création d’emplois…
Avec même des conséquences positives sur les qualifications des salariés :
« réussir la transition énergétique,
c’est aussi réussir cette transition professionnelle ». Mais même sur
ces points, les critiques sont légitimes.
Ainsi, concernant la question de la compétence du personnel,
il faut dire que le secteur part de loin. En effet, la récente
enquête d’UFC-Que Choisir a montré les fragilités
de la mention RGE et donc du système de qualifications des ouvriers spécialistes
de la rénovation. Un réel effort est donc à faire.
Pour ce qui est de l’emploi, les entreprises estiment à 75
000 emplois les conséquences de la mise en chantier rapide de la rénovation
énergétique des bâtiments. Or, comme l’avance l’architecte Marika Frenette,
« il y a eu 300
000 emplois perdus dans le secteur. Il ne peut pas y avoir de création d’emplois
puisqu’il n’y a pas de boulot. Ceux qui sont un peu dégourdis changent de
métier et se tournent vers la rénovation. Mais ça, ce
ne sont pas des créations d’emplois, ce sont des transformations ».
De même, concernant les économies d’énergie, les
spécialistes préfèrent raisonner en termes de retour sur investissement plutôt qu’en
valeur absolue. Dans le meilleur des cas, la baisse des factures est de 15 %
(quelques centaines d’euros par an)… quand l’investissement initial est de 25 000
à 30 000 euros. Les propos
d’Hervé Graton, ingénieur thermicien et directeur de Kypseli, sont révélateurs d’un mirage de la
rénovation bien ancré chez nos politiques… mais aussi chez les acteurs du
secteur qui poussent dans ce sens pour développer leur chiffre d’affaires.
Pourquoi faire des travaux ?
Ubuesque pour certains, la question suivante fait alors sens :
pourquoi faire des travaux ? En effet, il est nécessaire d’intégrer la
problématique des économies d’énergie dans celle, beaucoup plus large, du confort. L'Institut Français pour la Performance des Bâtiments (IFPEB) avance même que la rénovation doit s'inscrire dans une création de valeur extra-énergétique, c'est-à-dire une valorisation immobilière du bien rénové dans laquelle se retrouvera le propriétaire (dans son patrimoine ou lors de la revente).
Autrement dit, il est nécessaire de passer du logement au bâti
dans son ensemble et de se focaliser sur sa durée de vie. Une vraie révolution qui ne sera
pas déclenchée par le seul PLTECV mais via une prise de conscience citoyenne
synonyme de responsabilisation. Comment ? Là est la vraie question… et un
vrai challenge politique.
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