L'Agence Qualité Construction : prévenir des désordres dans le bâtiment et
améliorer la qualité de la construction (source : lewebinteractif.com)
L’Agence Qualité Construction (AQC) est une association loi
1901, mise en place par la loi de 4 janvier 1978, dite « loi
Spinetta », relative à la responsabilité et à l’assurance dans le domaine
de la construction. Au travers de ses trois activités principales –
observation, prévention, communication –, l’AQC gère un dispositif d’alerte lui
permettant d’identifier des désordres sériels à partir des remontées d’information
sur les sinistres gérés par les assurances. Ainsi, le but de l’AQC est de
promouvoir toute action permettant d’éviter sur long terme les malfaçons ainsi
que de réduire le nombre et la gravité des désordres.
L’AQC est financée par les professions de la construction,
dans le cadre d’une convention quinquennale entre 38
membres : organisations professionnelles, Etat (Ministères du Logement
et de l’Ecologie/Energie) et autres agences publiques. Plus précisément, les
acteurs s’engagent à une contribution volontaire collectée par les assureurs,
ce qui fait un budget annuel aux alentours de 2,5
millions d’euros.
Le rôle de l’AQC est souvent méconnu et malgré tout central.
En effet, les deux commissions qu’elle regroupe, la Commission
Prévention Produits mis en œuvre (C2P) et la Commission Prévention
Construction (CPC), jouent un rôle prépondérant dans le secteur du BTP,
notamment la première. Et pas que de manière positive…
Le pouvoir de la
communication sans les inconvénients de la responsabilité de ses actes
La C2P intervient sur les familles de produits industriels
et les textes qui en définissent la mise en œuvre, tout en ne se substituant
pas, à l’inverse, à certaines commissions et compétences du CSTB.
En effet, le rôle de la
C2P est d’apporter une appréciation complémentaire à d’autres organismes,
au niveau du risque de certains produits industriels. A ce titre, la C2P peut
proposer des mises en observation de familles de produits et/ou procédés de
construction. Néanmoins, cette « mise
en observation d’une famille de produits, et/ou procédés, n’est pas un jugement
de qualité, mais une simple information destinée à attirer l’attention des
professionnels et des assureurs ». Autrement dit, la C2P s’autorise à
communiquer tout en se déresponsabilisant des conséquences de sa communication.
Une certaine désinvolture en quelque sorte…
En effet, en étant reconnu comme fiable par un grand nombre
de professionnels, en ayant donc une certaine crédibilité dans la profession,
la C2P dispose d'un impact médiatique, c’est-à-dire d'une capacité à façonner les perceptions des acteurs en présence.
Mais prend-t-elle en compte tous les tenants et aboutissants de ce pouvoir d’influence ? Celui-ci est sujet à caution quand est analysée la constitution de cette commission.
Mais prend-t-elle en compte tous les tenants et aboutissants de ce pouvoir d’influence ? Celui-ci est sujet à caution quand est analysée la constitution de cette commission.
La C2P, symbole de la
compétence ou de l’entre-soi ?
Nul doute qu’au regard des membres de la C2P, la compétence
est au rendez-vous. En effet, la commission comprend :
- Cinq membres issus des sociétés d’assurances, dont les représentants sont la Fédération française des sociétés d’assurances (FFSA) et le Groupement des entreprises mutuelles d’assurance (GEMA).
- Sept membres (un par chaque organisme) représentant :
* Les industriels : membre issu de l’Association des
Industries de Produits de Construction (AIMCC).
* Les certificateurs : membre issu de l’Association
française des organismes de certification des produits de construction (AFOCERT).
* Les bureaux de normalisation : membre issu du Bureau de
Normalisation des Techniques et Équipements de la Construction du Bâtiment (BNTEC).
* Les entreprises : deux membres issus de la CAPEB et de
la FFB.
* Les centres techniques : l’inévitable
CSTB.
* Les contrôleurs techniques, représentés par Coprec
Construction (organisation professionnelle qui fédère les organismes de
prévention, d’inspection et contrôle tierce partie indépendante).
Or, les acteurs présents posent la question de la légitimité
de leurs travaux. Au-delà du CSTB, déjà vivement critiqués par l’OPECST ou
certains industriels, on peut également s’interroger sur la présence du BNTEC, « principal bureau de normalisation du secteur du bâtiment […] fondé et
est financé par la Fédération Française du Bâtiment (FFB) ». L’affaire
de la ouate de cellulose a mis en exergue cette opacité, voire les analyses partisanes
de la C2P.
AQC : culpabilité avérée ?
Il y a quelques semaines, l’OPECST tirait à boulets rouges
sur le conservatisme
dommageable du secteur de la construction et la nécessaire révolution des
mentalités. A ce titre, sénateurs et députés vilipendaient, une fois de
plus et à raison, le CSTB. Toutefois, en lisant le rapport, l’AQC n’échappe pas
au constat identique. En effet, l’OPECST prend soin de rappeler l’affaire
de la ouate de cellulose où la C2P s’est fait remarquer, en décidant de
mettre sous observation les procédés d’isolation thermique à base de cette
matière. Or, ce « simple avis » n’a fait que jeter l’opprobre sur les
industriels de ce secteur via la mise en doute des aspects sécuritaires et
sanitaires de leurs produits.
Ce qui, pour les professionnels de la filière, n’a rien
d’anodin… En effet, l’opacité de la C2P est souvent pointée par les petits
acteurs. Ainsi, selon Thierry Toniutti, directeur de la PME Ouateco, « le lobby des grands industriels français de
l’isolant a échoué au sein du CSTB, alors ils le poursuivent à l’AQC ».
Quoi donc ? Rien de moins que supprimer la filière ouate de cellulose,
petite mais en forte croissance, et qui taille des croupières aux géants de l’isolation.
Dans son dernier
rapport (page 19 et 20), l’OPECST rappelle les propos d’Olivier Legrand,
PDG de NrGaïa
aujourd’hui en liquidation judiciaire, lors d’une audition publique en
avril 2013 : « ce qui m’a le plus
surpris est d’avoir été mis devant le fait accompli du communiqué de presse
sans possibilité d’échanger avant cette soudaine déclaration officielle. Bien
que la couverture d’assurance n’ait pas été remise en cause, en termes de
communication, c’est un peu comme si une agence de notation avait lancé une
information sur le marché. Cela a impacté directement le secteur, qui est
mono-produit. Nous l’avons vu immédiatement dans les ventes, et les
conséquences ont été dramatiques. Cela aurait pu être évité, encore une fois,
par une discussion préalable, pour faire ce que nous sommes en train de faire :
remettre les choses dans le bon sens ».
Cette irréversibilité de la décision, l’opacité de l’analyse
et l’anonymat des membres de la C2P qui ont émis cette observation ont été
plusieurs fois dénoncés par Jean-Yves Le Déaut, rapporteur du rapport de
l’OPECST (page 20). Ainsi, en 28 décembre 2012, il a notifié à Cécile Duflot et
Delphine Batho – alors respectivement Ministres du Logement et Ministre de l’Écologie,
du Développement durable et de l’Énergie – ses doutes quant au fonctionnement
de l’AQC : « l’Agence Qualité
Construction (AQC) s’apprête à émettre en janvier un communiqué mettant en
cause les qualités de cet isolant biosourcé. Monsieur Legrand a demandé un
droit de réponse aux conclusions de la commission (C2P) qui lui a été refusé.
J’ai lu le projet de communiqué et j’ai effectivement constaté que les
affirmations indiquées dans ce document semblent particulièrement disproportionnées.
[…] Il est important de noter que les travaux de cette commission ont été
conduits sans aucune relation et échange avec les producteurs de cellulose.
Cela semble particulièrement étonnant et éveille le plus grand doute quant à
l’impartialité des conclusions annoncées. […] Un faisceau d’indices porte ainsi
à croire qu’il s’agit là des conséquences d’une campagne de lobbying menée
depuis plusieurs années par des sociétés concurrentes. […] Dans ces conditions,
je vous demande de déclencher une enquête dans les meilleurs délais pour
identifier les origines de ces anomalies graves dans les fonctionnements de nos
organismes de contrôle ».
L’AQC au miroir de la
modernité
A l’image du CSTB, l’importance de l’AQC dans le système
français d’évaluation et de normalisation des produits de la construction est
telle qu’il est impossible de laisser sa gouvernance aux géants du secteur et à
une « aristocratie » sûrs de leur bon droit. Pour ce qui est du CSTB,
l’OPECST prône tout simplement un démantèlement suivi d’une réorganisation.
Quid de l’AQC ?
Les parlementaires en conviennent (page 33) : « cet organisme nous apparaît indispensable,
car il examine les produits nouveaux ayant bénéficié d’un avis technique, mais
surtout les retours d’expérience des maîtres d’œuvre, et aussi ceux du réseau
des assurances, via un dispositif d’alerte […] Le partage d’informations
sur la sinistralité permet d’éviter les sinistres sériels ».
Ce qui manque est la transparence et l’esprit de
contradiction. Aussi, pourquoi ne pas ouvrir les commissions de l’AQC aux spécialistes
du monde universitaire ou du monde de la recherche ? De même, une procédure plus
contradictoire donnerait une analyse plus fine, et par conséquent des
recommandations acceptées de tous.
Comme pour le CSTB, la modernisation de l’AQC et le
changement des mentalités sont primordiaux pour dépasser la rigidité/sclérose
actuelle et prendre pleinement en compte l’innovation. A l’heure du débat sur
la transition énergétique, l’urgence est palpable pour surmonter les enjeux du
prochain demi-siècle.
Nous suivre sur Twitter : @Bati2030
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
N'hésitez pas à poster vos commentaires et avis !