Le logement, une des grandes inquiétudes des Français (source : observatoire-axa.fr)
Historiquement,
la sécurité et la situation économique ont été les deux grandes préoccupations
des Français. Ce qui est parfaitement compréhensible puisque cela touche aux
besoins primaires de l’être humain : se sentir protéger, obtenir les
ressources financières pour mener sa vie.
Apparaît
toutefois, depuis trois ou quatre ans, une nouvelle inquiétude : la difficulté
de se loger. Les raisons en sont simples : l’augmentation continuelle des
prix de l'immobilier et des loyers couplée à la crise économique. A cela s’ajoute les gros titres des journaux sur
les comportements d’hommes et femmes politiques, vivant indument dans des
logements sociaux alors qu’il y a un engorgement des demandes pour très peu de
places. Pour remédier à ces maux, le « scoring », comme processus d’attribution transparent et
efficace de logements à loyer modéré, fait florès… mais officialise surtout une
manière de gérer la pénurie.
Une préoccupation majeure des Français…
En 2011, l’étude
IPSOS/Nexity met en exergue le logement comme un des enjeux grandissants dans
les années à venir, concomitamment avec les questions économiques
(chômage et pouvoir d’achat). Les catégories socio-professionnelles les plus
focalisées sur ces enjeux sont, sans surprise, les jeunes, les locataires et
les ménages aux revenus modestes.
En 2013, la
même étude IPSOS/Nexity confirme cette tendance, près de la moitié des sondés ne
voyant pas d’améliorations alors que l’inquiétude des moins de 25 ans augmente.
La résignation
des Français est palpable quant aux difficultés d’accès au logement et la
question du prix/loyer est centrale. Le logement est devenu un poste de
dépenses important pour les ménages, qui plus est en période de crise.
Mais
ce qui est paradoxal, et le plus inquiétant, est : d’une part, le
manque
total de confiance des Français en l’avenir et dans la capacité des
responsables politiques nationaux pour améliorer la situation ; d’autre
part, une demande dans plus d’intervention publique pour encadrer et réguler
les prix de l’immobilier et du foncier.
… et des élus (locaux)
L’étude
IPSOS/Nexity de 2011 révèle qu’en majorité, les
élus jugent la situation insatisfaisante en ce qui concerne le prix des
loyers sur leur territoire. Certes, les élus ne « découvrent » pas la
question du logement, notamment le mal logement, problématique
popularisée par l’Abbé Pierre et aujourd’hui par sa fondation. Mais ce qui
est intéressant est la convergence totale entre les élus et les
Français sur l’inquiétude lié à la problématique logement.
De plus, indirectement,
l’étude IPSOS/Nexity met aussi en exergue la confiance des Français envers les élus
locaux (municipalités notamment) et moins dans une énième loi générale de la
part du gouvernement. Ils perçoivent que l’Etat consacre une place peu ou pas
importante aux problématiques du logement alors que, inversement, ils
considèrent que les élus locaux y consacrent une place assez ou très
importante.
Aussi, les
Français et les élus locaux se montrent très critiques sur l’action menée au
niveau national. Toutefois, même si les maires sont perçus comme un acteur clé,
le renforcement de leur responsabilité sur la question du logement est loin d’être
actée. En effet, construire
des logements c’est une chose. Pour qui, c’en est une autre. La politique
n’est jamais loin…
Et l’étude
IPSOS/Nexity de 2011 de garder toute son actualité : « entre demande d’accompagnement par l’Etat et
désir de conserver leurs compétences actuelles, les élus sont aujourd’hui
partagés sur la question du transfert de responsabilité sur la délivrance des
permis de construire ».
L’évolution des prix jouent sur les
perceptions
Bien malin
la personne qui comprend l’évolution
des prix de l’immobilier actuellement. Concernant Paris, les certitudes d’un
jour sur la baisse
des prix sont évacuées rapidement par d’autres
analyses. Ainsi, si baisse il y a, de quelle
amplitude ? En effet, la baisse serait en trompe-l’œil du fait, notamment,
de méthodes
statistiques biaisées par l’atomisation des biens vendus : ancienneté du
bien, surface, arrondissement (pour
ne pas dire les quartiers)… Il n’existe pas un marché de l’immobilier mais
des marchés… où les prix sont élevés mais en (légère) baisse. Certains
proposent de les encadrer mais la chose reste malaisée, justement pour une
question de psychologie.
Là est la
seconde problématique. En économie, le prix est un signal envoyé aux acteurs
que ceux-ci perçoivent, consciemment et inconsciemment, de manières très
différentes. Certes, un prix élevé est un signe de rareté du bien en question
mais chacun va l’analyser selon ses propres déterminants : ai-je besoin de
ce bien ? Qu’est-ce que je suis prêt à faire (travailler plus, acheter
moins d’autres choses…) pour l’avoir ? Etc. Le prix oriente donc des
choix/comportements de consommation. Bien évidemment, ce signal reste ambigu :
on parle alors
d’asymétrie d’informations mais c’est une autre histoire…
Aussi, le
problème est que nous n’arrivons pas à comprendre le contexte actuel et donc,
corolairement, les Français (vous, moi…) font des raccourcis de la situation (à
tort ou à raison). Par conséquent, les enquêtes d’opinion mettent en exergue ce
qui est ancré dans notre mémoire : le logement est une préoccupation
importante, les prix sont historiquement élevés et le gouvernement est très
critiqué pour son incapacité à y remédier. Or, dans ce genre de situation, nous
avons tendance à nous rattacher à des choses tangibles. Dans le cas présent,
aux comportements d’hommes et femmes politiques.
Des comportements qui ne passent plus
Les
« affaires » de responsables politiques vivant indument dans une habitation
à loyer modéré défraient la chronique ces derniers temps, preuve que le
logement est la nouvelle peau de banane qui peut grandement saper votre
crédibilité. On se souvient encore, en 2010, de la contre-attaque
virulente de Christian Estrosi – alors ministre de l’Industrie – pour couper
court aux rumeurs de double logement de fonction, dont un occupé par sa fille.
Plus
récemment, Patrick
Trémège, conseiller municipal UMP à la mairie de Paris et pourfendeur du
logement social, est épinglé pour vivre depuis 20 ans dans un
appartement de 90 m², dans un quartier du 13ème arrondissement, pour
un loyer de 1 650 euros charges et chauffage compris. Or, en surfant sur les
sites d’annonces immobilières, on peut se rendre compte que pour cette surface,
les prix tournent actuellement autour de 2 300 euros. Ou encore, pour un
loyer de 1 650 euros, la surface est de 45-55 mètres carrés.
De même pour
la secrétaire générale du groupe UMP de Paris, Marie-Line
Reperant, qui réside dans un logement social (75019) depuis 1988 ou encore
Jean-Jacques
Giannesini, tête de liste UMP dans le 19ème
arrondissement aux dernières élections municipales, disposant d’un logement social d’une
superficie de 80 m² pour un loyer de 1 200 euros.
Ce genre de
pratiques n’est pas l’exclusivité de la droite. Ainsi, en juin 2014, Michèle
Sabban, vice-présidente PS de la région Île-de-France, en charge des
dossiers des demandeurs de HLM, est épinglée par la presse pour son 70m2
à Paris (75013), à seulement 1 218 euros de loyer. Ce genre de révélations jette
le discrédit sur les responsables politiques et favorise le discours
« tous pourris » cher aux extrêmes (*). La liste
d’élus parisiens en logement social est interminable. Pis, ce système est
tout à fait légal alors que, dans le même temps, des familles prioritaires
doivent attendre. Surtout, ce genre d’exemples marque durablement les Français.
Dans un contexte morose, la tendance est à la focalisation sur les profiteurs et
les maux du système.
Vers l’impartialité dans les processus d’attribution ?
Pour mettre
fin à l’injustice, à l’opacité et l’inefficacité des attributions de logement
social, certaines mairies ont mis en place diverses méthodes, dont celle du « scoring ».
En clair, il existe des critères de sélection (géographiques, familiaux,
sociaux…) et chaque dossier présenté gagne des points. L’attribution se fait
alors non pas en fonction du temps écoulé depuis le dépôt du dossier mais en
fonction de l’urgence de la situation du demandeur.
Ainsi, Paris
réalise actuellement des tests sur l’efficacité de cette méthode. Lorsqu’un
logement social se libère, la mairie retient les dossiers des demandeurs qui correspondent
à l’offre et prend les cinq cumulant le plus de points. Ceux-ci sont examinés
par la commission de la ville (élus et membres d’associations), qui en retient
trois. Enfin, la commission du bailleur social examine ces dossiers et choisit
le futur locataire. Néanmoins, cette pratique n’est pas nouvelle puisque Rennes
l’a mise en place il y a une quinzaine d’années, pour compléter le guichet
unique, qui lui, a été mis en place en… 1954 !
Autre exemple à Salon-de-Provence,
où la méthode choisie est celle d’un comité consultatif composé de 8 habitants de la ville. Ceux-ci donnent leur avis sur les dossiers présentés, qui seront in fine choisis par un groupe composé du maire, de deux élus au logement, d'un technicien, de deux personnes issues d’associations
du secteur du logement et de deux personnes issues d’associations à vocation sociale. Les dossiers, examinés chaque
mois, sont anonymisés et ne comportent que des données factuelles : âge,
situation familiale et professionnelle, type de contrat et salaire, revenus,
logement actuellement occupé, ancienneté de la demande, etc. En outre, la
commission possède les détails de l’appartement à attribuer et la composition
des autres appartements du lot pour favoriser la mixité.
Toujours le même problème : gérer la pénurie
Certes,
ces méthodes d’attribution ont des résultats positifs indéniables (cf. Rennes).
De plus, comme le rappelle Ian
Brossat, adjoint au maire de Paris en charge du logement, le scoring est une
nouvelle manière de faire de la politique, plus transparente, en droite ligne
avec l’impératif démocratique. Mais de là à parler de « révolution »…
Les
nouveaux processus d’attribution révèlent surtout un malaise : ils
permettent principalement d’organiser la pénurie tout en étant une acceptation
implicite de l’incapacité à construire. Nicolas
Isnard, maire UMP de Salon-de-Provence – tout juste élu et dont la création
d’un jury citoyen était une promesse de campagne – reste lucide sur la
situation : « à Salon, le parc locatif social est composé de 4 400
logements et nous avons 2 200 demandes de logements pour un taux de rotation de
8,4 % par an ». De même, à Paris, il y a 148 000
demandes annuelles de logement social (dont 40 000 émanent de familles vivant
en dehors de Paris) pour 12 000 attributions.
Aussi, le scoring
est un moyen d’envoyer un signal politique à la population (on agit !)
même si cela ne concerne que le logement social. Quid du reste de la population ?
On en revient donc toujours au même problème : les moyens de dynamiser la
construction/rénovation… Car les
attentes de la population sont fortes.
(*) Les
révélations concernant l’occupation indue d’un logement social peuvent cibler
finalement toute personnalité publique, à l’image de Frigide
Barjot, ex-égérie de la Manif pour tous, celle-ci disposant pourtant d’un
étonnant patrimoine : un 4-pièces avec balcon hérité de sa mère (177, rue
Lafayette, 75010) ; un appartement avec balcon hérité de son père (19, rue de
Lourmel, 75015) ; une maison de vacances à Port-Grimaud (Golfe de
Saint-Tropez, Var), trois caves dans Paris, un parking privé et une maison à
Trouville-sur-Mer.
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