Anne Hidalgo et Ian Brossat : un binôme efficace pour
résoudre la problématique du logement à Paris ? (source : lefigaro.fr)
Généralement
à (de ?) droite, les hommes et femmes des différents mouvements politiques
aiment à rappeler leur caractère responsable, sous-entendu « pas comme
ceux à gauche » qui déresponsabilisent les personnes, engendrant gabegie
et rancœur de la population. Problème : le manichéisme n’est jamais très
bon, tant dans l’analyse d’une situation que dans la définition de solutions en
termes de politiques publiques. La question du logement n’échappe pas à cette
règle séculaire, comme l’a démontré le
dernier (et énième) rapport public.
Néanmoins, il
reste encore des endroits, en France, où le pragmatisme est la règle. Où
ça ? Au sein des mairies ! Ainsi, il ne faut pas s’étonner si le
maire est le personnage politique préféré des Français. Proche des gens et
généralement issu du territoire, il donne confiance et gère
tant bien que mal le budget municipal. Concernant le logement, la mairie
garde des marges de manœuvre pour améliorer les situations. Un exemple :
Paris. La capitale focalise les problèmes : cherté des logements et des
loyers, nécessité de rénovation et de construction, mixité sociale…
Loin d’une quelconque
accointance politique avec la nouvelle équipe municipale, il convient pourtant
de regarder ce qu’elle réalise depuis près d’un an. Ainsi, la maire Anne
Hidalgo et son adjoint Ian Brossat ont su faire preuve de réalisme et de volontarisme
politiques en se focalisant sur des blocages bien réels et récurrents de la
capitale. Pour le bien de tous les Parisiens ?
2012-2014 : deux années de perdues
L’arrivée de
Cécile Duflot au ministère du Logement devait marquer une rupture avec les
politiques de droite durant une décennie mais s’est finalement résumée en un
mot : cassure. Bien sûr, il est toujours plus facile de donner des bons ou
mauvais points quand on est un simple observateur mais il faut remarquer une
chose : on ne réforme pas seul contre tous. En effet, l’analyse des
perceptions des professionnels en 2012 aurait dû pointer les urgences :
urgence de relancer la construction, urgence de mettre fin à l’empilement
ubuesque de normes, urgence de restaurer la confiance des acheteurs et des
investisseurs…
On ne le dit
jamais assez : l’économie
est une affaire de doigté et de psychologie. Or, la focalisation sur l’encadrement
des loyers, à tort ou à raison, n’a cessé de dégrader les relations entre les
professionnels et la ministre, renvoyant l’image d’un secteur en crise et d’un
gouvernement plus focalisé sur des positions idéologiques que sur la réalité.
La clarté du constat dès le départ – une pénurie considérable de logements, due
à une demande en forte hausse et l’incapacité de l’offre à répondre à cette
demande – aurait dû permettre la création de cette union sacrée qui fait tant
défaut aujourd’hui.
Le gouvernement
Valls ne s’y est d’ailleurs pas trompé : l’objectif est de réamorcer
la pompe rapidement, de provoquer un choc de confiance… et de renvoyer aux
calendes grecques cette loi ALUR tant décriée (mais dont certaines dispositions
mériteraient d’être actées). Toutefois, loin d’être bazardée, celle-ci « continue
de faire polémique et laisse les bailleurs
et les locataires dans le flou, favorisant les incompréhensions. Entre les
mesures détricotées ou en cours de détricotage, les décrets publiés et ceux en
attente », tous les acteurs campent sur leurs positions.
Le logement et l’UMP : what
else ?
Qu’en est-il
à droite ? L’UMP, fidèle à l’ADN du parfait opposant, s’oppose. A
quoi ? A ce qui horripile son électorat. Par exemple, Cécile Duflot qui
est, pour Nicolas Sarkozy, la « pire
ministre du Logement » de la République. Effet garanti. Ensuite,
concernant la
loi Alur, qu’il faut « abroger ». Cocasse quand on sait qu’il y a
actuellement seulement 13 décrets sur 80 qui ont été publiés.
Finalement,
le travers de l’UMP – qui n’est pas exclusif à ce parti – reste une vision
biaisée et doctrinale des choses. Bref, de la politique à la française. Il faut
occuper le terrain médiatique mais avec, malheureusement, des mesures
simplistes qui n’amènent pas grand-chose au débat… mais beaucoup au
brouhaha médiatique. Ainsi, pour
l’heure, leur contour précis reste très flou. Idem pour les propositions
de François Fillon, candidat annoncé à la primaire.
Marc-Philippe
Daubresse, secrétaire général-adjoint de l’UMP,
propose un « choc de l’offre »
pour résoudre la question du logement
Un rapport
récent du Conseil général de l’environnement et du développement durable, de
l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale des
finances avait pourtant bien posé le problème et les pistes pour s’en sortir.
Pourquoi ne pas l’avoir pris en compte ? Parce qu’il dresse un bilan des
mandatures de la droite ?
Vers une politique du logement à la main
des métropoles ?
Et si on
supprimait le ministère du Logement pour s’orienter vers une localisation
territoriale plus poussée des outils dédiés au logement, à savoir les
métropoles et les départements ? En effet, en regardant de plus près ce
qui se fait à Paris, des dispositifs pourraient être généralisés à d’autres
villes.
Anne Hidalgo
le dit d’ailleurs clairement : il faut « agir
sur l’ensemble de la chaîne du logement, du logement social pour les
catégories populaires et les petites classes moyennes, au logement du secteur
privé, en passant par les logements intermédiaires destinés, par exemple, aux foyers
où chacun dans le couple gagne environ 3000 euros par mois avec un enfant, car
ceux qui font tourner la ville doivent naturellement pouvoir y vivre ». Il
n’y a donc pas un levier mais des leviers à actionner, en parallèle, afin de
restaurer la confiance et la transparence.
- La construction de logements : mobilisation du foncier comme priorité
Les tensions
sur l’immobilier sont telles que le logement est une priorité, notamment le
logement social. Ainsi, Anne Hidalgo souhaite mettre
à disposition 10 000 logements par an, dont 7 000 HLM. Pour ce
faire, la mairie se focalise autant sur la mobilisation
du foncier de l’Etat ou des entreprises publiques (LA priorité) que de la
transformation de 200 000 m2 de bureaux
en logements, durant sa mandature. Les leviers sont donc variés : construction,
rénovation/réhabilitation et transformation.
Par ailleurs, la mairie fait de l’homogénéité
de la capitale une priorité. Fini l’Est parisien qui concentre les
logements sociaux et un Ouest et Centre « épargnés ». Ainsi, le 16ème
arrondissement, qui compte un peu moins
de 4% de HLM ainsi que la plus faible densité de population, aura lui aussi
des logements sociaux. En outre, les sites concernés ne concentreront pas
seulement des logements sociaux
mais également 20% de logements intermédiaires et 20% d’accession. Quant à
leur mise à disposition, le
scoring servira à mieux gérer les priorités tout en permettant transparence
et donc acceptation de la part des Parisiens.
- La location et le ciblage des classes moyennes : le dispositif Multiloc
Les classes
moyennes ne sont pas oubliées, heureusement. Le dispositif Multiloc, lancé
courant mai, vise à remettre sur le marché les logements vacants, estimés à
40 000, du fait de la crainte des propriétaires à s’engager dans un bail.
On voit là tout le travers d’une économie de rente : les prix de l’immobilier
sont tels qu’ils engendrent la rétention d’un actif plutôt que sa valorisation,
la première étant tout aussi rémunératrice (voire plus) que la seconde.
De plus, ce dispositif vise également à permettre aux classes moyennes
de payer des loyers à un prix inférieur de 20% par rapport au niveau médian
dans le quartier. Ainsi, Multiloc cherche à minimiser/supprimer cette réalité qui
fait que de nombreuses familles parisiennes gagnent trop pour pouvoir espérer
un logement social mais dont le pouvoir d’achat est actuellement rogner de
façon dramatique par le loyer. Aussi, Multiloc offre des garanties
et incitations aux propriétaires, une sorte d’assurance ou plutôt une prime
à la confiance : prime d’entrée dans le dispositif (2 000 euros), gestion
locative professionnelle, prise en charge de la garantie contre les risques
locatifs (350 euros), prime travaux pour remettre en état et embellir le bien
(jusqu’à 7 500 euros, si le logement remis en location était vacant depuis plus
de six mois), prise en charge d’une partie des diagnostics techniques
obligatoires en location (250 euros) et participation
à l’achat de détecteurs de fumée.
Bien sûr, le
coût de ce genre de politique est souvent sujet à débat et, selon la mairie,
celui-ci serait compris entre 6000 et 14 000 euros par logement, selon la
surface. En tout cas, une enveloppe de 3 millions d’euros est prévue dans le
budget supplémentaire 2015. Mais en prenant une fourchette basse, 6 000
euros X 40 000 logements = 240 000 000… A suivre.
- Encadrement des loyers : ça avance… doucement
Au-delà du
dispositif Multiloc qui permet une décote de 20% du prix des loyers, il y a le
serpent de mer de l’encadrement des loyers. Pas
tant le concept, que la conception. Le débat est sans fin et va sans doute
continuer. En effet, l’encadrement
des loyers sera mis en pratique à partir de début juillet à Paris, après
que le décret d’application soit publié en mai. L’OLAP va avoir du travail… et
des arguments à avancer quand l’organisme
va publier le loyer de référence pour chacun des 80 quartiers parisiens
ainsi qu’un loyer majoré de 20 % qui constituera le plafond à ne pas dépasser.
Les
professionnels sont vent debout… alors que l’aventure parisienne n’est pour l’instant
qu’à titre « expérimentale » et que les baux actuels ne seront pas
révisés. Il n’en reste pas moins que le dispositif est attendu par les
Parisiens, y compris par les classes moyennes, le logement étant une
problématique constante de leur quotidien.
- La valse avec Airbnb
La mairie
doit jongler avec ce paradoxe. Ville
touristique au patrimoine inégalé, elle attache une importance continue à l’infrastructure
hôtelière et locative de haut niveau. Ce qui ne l’empêche pas de penser au(x)
futur(s), d’où la volonté de faire de Paris un hub mondial de la high tech…
tout en étant conscient des risques de voir cette économie
du partage ET de la prédation s’installer. Airbnb personnifie ce paradoxe
et la mairie doit ménager cet acteur : d’une main, elle
câline la plateforme incontournable du tourisme mondial, qui lui rend bien
puisque Paris est sa première destination ; De l’autre, elle
cible Airbnb, qui renforce le phénomène d’explosion des meublés
touristiques, facteur d’aggravation de la crise du logement. En clair, Airbnb
facilite ce phénomène protéiforme et exponentiel, et il est bien plus simple et
efficace de viser l’outil qui permet cette déviance que de faire la chasse à
ceux qui en profitent.
La mairie de
Paris a donc bien conscience de sa fragilité mais aussi de sa force. A ce titre,
un petit tour dans la Silicon Valley est révélateur de ce nouveau contexte, à
la fois concurrentiel et sociétal. En effet, regardez comment
vit la majorité des habitants de la conurbation californienne. Derrière la
« belle vie » des ingénieurs de chez Google, Facebook ou Apple se
cache des problématiques
ardues pour la population et les pouvoirs publics.
Ainsi, le
vivre ensemble est sans doute le grand défi urbanistique actuel. Et pour y
répondre, pas sûr qu’un ministère du Logement ou de la Ville soit adéquat. En
effet, le volontarisme politique devrait être laissé aux villes et grandes
agglomérations, soutenues dans leurs projets par des instruments financiers
déjà existants, au sein de la Caisse des Dépôts et Consignations par exemple. Les
actions de la mairie de Paris sont, à ce titre, intéressantes. Peut-être pas la
panacée – l’avenir le dira – mais elles ont le mérite d’exister. Quant à ceux
qui s’opposent à ces actions, sachez que les critiques n’ont jamais fait une
politique. Pour cela, il faut de la réflexion… et de la constance. A
méditer.
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