mardi 16 avril 2013

Pourquoi l'auto-entreprenariat et le BTP font deux

Manifestation de la FFB de la Marne contre les conséquences de la crise pour les artisans du BTP (crédit : France 3)
Laurence Parisot l'a qualifié "d'invention géniale". Le statut d'auto-entrepreneur, partiellement inventé d'après les travaux de la commission Attali, est sans doute l'un des succès les plus visibles du gouvernement Fillon II. Pierre d'angle de la Loi de Modernisation de l'Economie (LME), promulguée en juillet 2008, il a été plébiscité par près d'un million de personnes qui se sont lancées dans la grande aventure de l'entreprenariat. Mais voilà, ce succès n'est pas sans faire grincer les dents des hérauts des artisans du BTP !

Car le bâtiment non plus n'a pas échappé au virus de l'AE : la Caisse Nationale du réseau des URSSAF (ACOSS) relève ainsi dans un rapport de février 2013 que 14,25 % des 895 000 AE recensés en février 2013 travaillent dans le secteur de la construction, soit 127 503 personnes. De plus, en 2011, 68 427 AE du secteur de la construction ont généré un chiffre d'affaires cumulés de 862,2 millions d'euros, soit une moyenne de 12 600 euros. Rien de si exceptionnel au fond, sauf que les artisans du BTP, dans une période économique particulièrement difficile, commencent à regarder d'un mauvais oeil cette concurrence qui déferle (plus 15 % d'AE dans le secteur de la construction entre 2010 et 2011) sur le marché.

Une concurrence déloyale reconnue par tous

Aussi, si Laurence Parisot salue le dispositif qui relance l'esprit d'entreprendre, les artisans répliquent que dans de telles conditions, entre exonération de charges et facilités d'installation, les AE représentent une concurrence déloyale de plus en plus exacerbée. Une critique que reconnaît Sylvia Pinel, la ministre de l'Artisanat, qui a proposé le 10 avril une légère réforme du statut des AE. Le régime s'orienterait alors vers deux vitesses : limitation du statut dans le temps quand il s'agit d'une activité principale, illimité en tant qu'activité secondaire.

Le débat est loin d'être tranché, et ne le sera pas avant l'été. Car la décision ne satisfait ni les associations d'AE, comme l'Union des Auto-Entrepreneurs (UAE), la Fédération des Auto-Entrepreneurs (FédAE) et l'Association pour le Droit à l'Initiative Economique (ADIE), pour qui elle signifierait la fin de ce statut, ni les représentants du secteur du bâtiment, FFB et CAPEB en tête, pour qui elle ne résout pas le problème !

Une baisse de la qualité

Pour ces deux associations, l'interdiction pure et simple de l'auto-entreprenariat dans le secteur de la construction serait la seule mesure viable pour limiter l'impact de cette concurrence dans un secteur déjà fragilisée. Car au delà des avantages que confèrent le statut, d'autres effets pervers persistent : moins exposés aux contrôles, plus faciles à employer, les auto-entrepreneurs ne sont pas soumis aux mêmes exigences de qualité que les artisans spécialisés. Ils ne possèdent d'ailleurs souvent aucune certification, mais peuvent, grâce à un coût moindre, concurrencer des entreprises plus compétentes. De fait, les particuliers font de plus en plus appel aux AE pour des travaux d'appoints.

Dernier effets induits dénoncés par les artisans : le régime des AE faciliterait le travail au noir. En effet, il offre un cadre légal à l'activité professionnelle, mais faute de contrôle, le plafond de chiffre d'affaires serait, vu le montant des déclarations, régulièrement emplafonné. De fait, certaines sociétés utilisent le système pour éviter de contractualiser des salariés, ou encore mener plusieurs activités professionnelles. Au détriment, encore une fois, de ce qui respecte les règles.

Des solutions pour sortir de l'impasse ?

Certes, le bâtiment est une cible propice pour les AE, à cause de la demande et la faible ampleur que peuvent prendre certains travaux, confinant au bricolage et ne nécessitant pas de compétences particulières. Et de fait, ils peuvent concurrencer les entreprises de BTP non spécialisées, et confinées aux petits travaux.

Cependant, faire des AE le bouc émissaire des difficultés du bâtiment est une stratégie populiste des représentants du secteur qui cherchent à montrer à leurs adhérents qu'ils ont encore une influence, sur le gouvernement comme sur l'économie. Or les problèmes sont ailleurs, y compris dans la lutte contre la concurrence déloyale. De plus, charger les AE quand ce régime devient un refuge pour les chercheurs d'emploi, qui malgré tout, se démènent pour travailler, renvoie un message négatif, contraire à l'esprit d'entreprise.

Alors, plutôt que prendre des mesures radicales à cause des abus d'une minorité, ne vaudrait-il mieux pas rechercher l'esprit d'origine de la mesure, à savoir ce tremplin pour la création d'entreprise, en augmentant les contrôles ? Et  mesurer le succès, non pas au nombre, mais à la qualité, à savoir la proportion d'entreprises viables issues d'une auto-entreprise ?

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