Pénibilité au travail
(crédit : Le Point / Arnaud Finistre / Maxppp)
Selon le Larousse, la « pénibilité » renvoie au caractère
pénible d’une action. Ainsi, celle-ci se fait avec peine, exige un effort
difficile, causant de la fatigue, de la souffrance. Toutefois, il existe derrière ce
terme une variété de facteurs à la fois
objectifs et subjectifs. Or, c’est cette complexité qu’essaye de simplifier le compte-temps
pénibilité introduit dans la réforme des retraites, au risque de conduire à une
grande confusion et à un ressentiment chez les salariés… et les patrons.
Pour le Code
du Travail, la pénibilité renvoie à deux conditions cumulatives. D’une
part, il faut une exposition à un ou plusieurs facteurs de risques
professionnels liés à des contraintes physiques marquées, un environnement
physique agressif ou à certains rythmes de travail. D’autre part, ce contexte
est susceptible de laisser des traces durables, identifiables et irréversibles
sur la santé.
La pénibilité au
travail : la complexité guette.
Quelques
obstacles apparaissent derrière cette définition. En effet, les situations de travail sont extrêmement diverses, variant dans
le temps et l’espace. Au sein d'un même métier, un poseur d'isolants par exemple, il peut y avoir une grande différence entre l'artisan qui pose de la ouate de cellulose, d'une densité de 70kg/m3, d'un autre spécialisé dans la laine de roche, autour des 150kg/m3. De plus, cette diversité des milieux professionnels ne
peut être dissociée des parcours de vie et de santé d’un travailleur. Pour
finir, il existe généralement une combinaison de facteurs de risques, et pas qu’un
seul.
A partir de là, il faut pouvoir diagnostiquer la pénibilité,
via les facteurs définis par le législateur. Ceux-ci renvoient : à des
contraintes physiques marquées (manutention de charges lourdes, postures malaisées,
vibrations mécaniques…) ; un environnement physique agressif (agents
chimiques, bruit…) ; à certains rythmes de travail (travail de nuit, en
alternance, répétitif…).
Ainsi, on peut identifier les effets de la pénibilité
(accident du travail, espérance de vie, état de santé…) mais il semble bien difficile
de la mesurer. En effet, la pluralité des parcours de vie, de santé et
professionnels rend difficile les généralités. Bien sûr, le BTP apparaît plus
difficile que d’être instituteur. Mais être dans un bureau d’étude est bien
différent que d’être dehors sur un chantier de terrassement ou à goudronner une
route en été. L’analyse de la pénibilité se doit d’être pragmatique.
Le législateur passe
outre.
Pourtant, le gouvernement, via la dernière (énième) réforme
des retraites souhaite la prise en compte de la pénibilité. Ainsi, le « compte
de prévention de la pénibilité » (CPP) sera examiné en Conseil des
ministres le 18 septembre puis soumis au Parlement le 7 octobre. Normalement,
il sera effectif à partir du 1er janvier 2015.
Schématiquement, le CPP est ouvert à tout salarié du secteur privé exposé à des conditions de travail réduisant l’espérance de vie. Il permet de cumuler des points en fonction de l’exposition à un ou plusieurs facteurs de pénibilité, soit dix au total. Cette proposition du gouvernement, qui est en fait celle avancée par la Commission Moreau, permet au salarié d’acquérir des droits à l’attribution de points, convertibles d’abord en temps de formation rémunérés, ensuite en périodes de temps partiel compensées financièrement et en dernier recours en rachat de trimestres pour la retraite. Un décret doit prochainement déterminer les barèmes.
Schématiquement, le CPP est ouvert à tout salarié du secteur privé exposé à des conditions de travail réduisant l’espérance de vie. Il permet de cumuler des points en fonction de l’exposition à un ou plusieurs facteurs de pénibilité, soit dix au total. Cette proposition du gouvernement, qui est en fait celle avancée par la Commission Moreau, permet au salarié d’acquérir des droits à l’attribution de points, convertibles d’abord en temps de formation rémunérés, ensuite en périodes de temps partiel compensées financièrement et en dernier recours en rachat de trimestres pour la retraite. Un décret doit prochainement déterminer les barèmes.
Toutefois, même si légiférer sur la pénibilité du travail est
un vrai sujet/débat de société et un acte courageux du gouvernement, l’approche
pose certaines questions méthodologiques et idéologiques (est-ce la bonne
solution ?).
Mode de calcul et
financement : le matraquage des entreprises continue.
Pour le gouvernement, le CPP ne peut être financé que par
les employeurs, via deux cotisations, dont les niveaux seront définis par
décret (de 0,3 % à 0,5 % selon les premières informations, soit un rendement
de 500 millions d’euros par an en 2020) : la première sera prélevée sur toutes
les entreprises, sur la base de leur masse salariale (au nom de la
solidarité interprofessionnelle) ; la seconde sera établie en proportion des
salaires versés aux seuls employés exposés à la pénibilité.
Didier Ridoret, président
de la FFB ne s’en cache même pas : « le gouvernement estime qu’entre
18 % et 20 % des salariés pourraient être concernés, cela signifie que toutes
les PME dans le bâtiment seront visées ». Tout en précisant bien que « ce
n’est pas aux entreprises du bâtiment à payer la pénibilité. C’est un arbitrage
injuste. Par ailleurs, il est carrément impossible de mesurer l’impact en
termes de coûts. Et pourtant, notre Direction des affaires sociales a tenté l’exercice
particulièrement technique et complexe… Une fois de plus, on découragera les
employeurs du BTP à embaucher des ouvriers sur les chantiers ».
Le BTP au cœur de la
pénibilité.
On en arrive au point de méthodologie. L’importance –
sociétale, économique, politique… – de la problématique de la pénibilité du
travail ne mériterait-elle pas un large consensus et des solutions pragmatiques
plutôt qu’une loi débouchant sur une foire d’empoigne entre les acteurs
concernés ?
En outre, il est bien difficile de déterminer les métiers
pénibles, surtout le « seuil de pénibilité » entre métiers. Or,
cela augure d’un grand marchandage entre le Ministère du Travail et chaque
branche professionnelle. On aurait pu trouver plus simple d’autant que le
dialogue syndicats/patronat/gouvernement a rarement été opérant dans notre
pays. De plus, à l’aune du « choc de
simplification » voulu par le Président de la République, on rentre
sans doute dans le mouvement inverse.
Aussi, pour les acteurs du BTP, la meilleure solution serait
de renforcer la prévention, à l’image de l’accord
sur la prévention de la pénibilité et l’amélioration des conditions de travail
de décembre 2011. En effet, la profession a considéré aussitôt que tous les
salariés de chantier étaient exposés à au moins 2 facteurs de risques
professionnels liés à la pénibilité. Ainsi, il existe une démarche globale d’amélioration
des conditions de travail avec des méthodes de gestion et l’application d’audits.
Bien sûr, des progrès sont à faire mais l’essentiel, selon nous, n’est-il pas
de fédérer les acteurs, d’impulser une dynamique vigoureuse d’amélioration des
conditions de travail plutôt que de s’engager dans un processus – très français
– qui conduirait à court terme à un enlisement administratif et procédurier ?
Ainsi, le BTP tant décrié se veut un secteur professionnel
exemplaire, qui propose des solutions et souhaite que cette méthodologie s’applique
à chaque branche professionnelle. En effet, quel autre secteur connaît-il
autant de métiers parmi les plus exposés, de difficultés diverses à l’image du
maintien des seniors dans l’emploi et ce, alors que 85 % des entreprises
comptent moins de 10 salariés ?
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