mardi 21 mai 2013

La Chine et les enjeux de l'éco-construction

Des barrières de béton bientôt remplacées par des forêts d'immeubles verts en Chine ? (crédit : La Tribune)
Lorsque que l'urbanisation en Chine est évoquée dans les médias, ce sont des images de vastes et denses étendues d'immeubles et de montagnes abrasées qui viennent à l'esprit, plutôt que des parcs verts et des éco-quartiers. Pourtant, la Chine, sous l'impulsion du régime central, s'intéresse de plus en plus à l'éco-construction et aux solutions économes en énergie. D'ordre économiques et sociales, les raisons en sont simples : préserver une paix sociale que la pollution, plus que les atteintes au droit de l'homme, menace de plus en plus ; et réduire la facture énergétique de la première puissance démographique mondiale, dont la croissance commence à montrer, bon an mal an, des signes de ralentissement.

Le 26 février 2013, la National Development and Reform Commission/中华人民共和国国家发展和改革委员会 (NDRC) a lancé un programme de construction d'un milliard de mètres carrés de bâtiments éco-construits et la rénovation de tous les bâtiments administratifs d'ici à 2015. La mise en place d'une dynamique de développement durable par cette agence gouvernementale n'est pas anodine, elle est en effet l'héritière de la State Planning Commission, l'agence historique responsable de la planification de l'économie chinoise depuis 1952. Signe que le gouvernement central a décidé de faire du développement durable une de ses priorités.

La pollution en Chine, un problème sociale et économique

Car la question environnementale est devenue de plus en plus préoccupante en Chine ces dernières années. Avec une croissance focalisée sur les performances économiques, le régime central a ignoré pendant des années l'impact de l'activité industrielle sur l'environnement, classant la Chine au 116ème rang mondial (sur 132 pays) de l'Environment Performance Index de l'Université de Yale en 2012. Mais les nuisances récurrentes dues à la qualité de l'eau ou de l'air commencent à interpeller tous les organes de la société : ces dernières seraient en effet responsables du décès de 1,2 million de personnes chaque année en Chine ! A Pékin, les capteurs ont enregistré le 12 janvier 2013 un taux de 755 sur l'indice de qualité de l'air de l'US Environmental Protection Agency (EPA), sur une échelle qui normalement ne dépasse pas 500, et où 100 est considéré comme un air malsain et 400 un air dangereux !

Des chiffres hallucinants qui expliquent la grogne grandissante de la population des grandes villes comme Pékin et Shanghai, et inquiètent les autorités. En août 2012, la police s'est fortement mobilisée pour prévenir d'importantes manifestations, organisées via Internet en réaction à la pollution du réservoir de Qingcaosha à proximité de Shanghai. Mais en plus de la colère sociale, la pollution en Chine a un coût économique extrêmement important. L'exemple le plus édifiant est celui des pots catalytiques. Très peu utilisés en Chine du fait de leur coût (3 200 $), ils seraient pourtant indispensable pour réduire les nuisances des millions d'automobiles qui circulent en ville chaque jour. Or leur fabrication nécessite deux matérieux précieux pour réaliser le filtrage des gaz d'échappement, le platine et le palladium. L'équipement de l'énorme parc de véhicules chinois entraînerait une hausse majeure des cours, ainsi qu'une augmentation considérable du prix et une pénurie majeure pour l'ensemble du marché mondiale !

Le "grand bon en avant" écologique

C'est dans ce contexte que Qu Geping, ancien ministre chinois de la Protection environnementale déclare en guise de mea culpa : "Je dois admettre que les autorités n'ont de loin pas fait assez pour contrôler la rcherche de croissance économique à tout prix, et ont échoué à éviter certains des pires scénarios de pollution que nous, en tant que décideurs politiques, avions prévus". La prise de conscience des autorités chinoises se veut salutaire : la Chine doit faire son "grand bon en avant" écologique pour espérer sortir du désastre. Mais pas à n'importe quel prix : le Green Building Evaluation Standard chinois, équivalent du LEED américain, n'entraînerait qu'un surcoût de 6 € par mètre carré, une somme jugée raisonnable pour inciter les acteurs privés à s'intéresser au sujet.

De fait, le Chine devrait devenir dans les années à venir un des marchés de l'éco-construction et de la rénovation thermique les plus florissants au monde. Malgré une réglementation thermique datant de 1985, peu de bâtiments sont aujourd'hui correctement isolés, d'où la réorganisation en Chine de sociétés opportunistes comme Rockwool, dont le siège vient d'ouvrir à Tianjin. Ubifrance, l'agence de développement français à l'étranger organise même une mission consacrée aux bâtiments verts, afin de renseigner les investisseurs français sur les possibilités offertes par le marché chinois dans le domaine des éco-constructions. Le gouvernement chinois, de son côté, subventionne à travers le ministère chinois du logement et du développement urbain les construction certifiées à hauteur de 9 € par mètre carré. D'où les prouesses réalisées par certaines sociétés chinoises, capables de réaliser un bâtiment de 30 étages éco-construits en 15 jours !

Le nouveau pari de l'empire du milieu

La Chine peut-elle réussir ce pari. Certes, l'inertie des forces est telle qu'il prendra sans doute des dizaines d'années pour revenir sur les erreurs du passé et du présent. Mais la prise de conscience de certaines entités gouvernmentales peuvent faire changer les lignes de manière radicale. Quelque part, c'est probablement la grâce des régimes autoritaires...

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