mardi 7 mai 2013

Le "choc de simplification" : pas si simple dans le bâtiment...

"Le choc de simplification" : le choc des mots, l'absence de sens (crédits : Contrepoints.org)
Le "choc" de simplification, c'est la nouvelle marotte du gouvernement Ayrault depuis le 2 avril. Le projet : en finir avec cette camisole d'efforts que sont les normes et réglementations édictées par l'administration française pour la société en général et l'économie en particulier. Car l'inflation normative est devenue un bouc émissaire, le poison qui briderait l'esprit d'initiative et d'entreprendre, le rempart à la croissance. Mais dans le secteur du bâtiment, elles sont souvent une garantie de sécurité et de qualité, à laquelle il serait bien imprudent de s'attaquer.

Promis par François Hollande lors de l'intervention télévisée du 28 mars, le choc de simplification vise à réduire le nombre des normes et des réglementations qui ralentissent et inhibent l'activité économique, en particulier des TPE et des PME. Mise en oeuvre par les collectivités territoriales, mairies en tête, les normes représentent un poids conséquent dans l'activité des administrations locales, tant en termes de temps que d'argent. Selon l'OCDE, la complexité administrative coûterait 60 milliards d'euros par an, soit 3 points du PIB français. Jean-Marc Ayrault a donc chargé le Conseil Inter-ministériel pour la Modernisation de l'Action Publique (Cimap) d'élaguer la forêt des 400 000 normes de notre quotidien.

Une réforme salutaire dans le bâtiment

Le secteur du bâtiment est particulièrement concerné par le choc de simplification. Il en est même une priorité, puisque la mesure fait partie du plan logement de François Hollande, destiné à relancer le secteur en crise. La simplification des normes et des réglementations devrait permettre en effet de réduire les délais de construction, de diminuer les budgets ou d'épargner des formations coûteuses aux sociétés de BTP. Le nombre des terrains constructibles pourraient également augmentés. Le chemin des croix des sociétés cherchant à obtenir un avis technique en serait grandement simplifié.

De plus, le choc de simplification pourrait réduire les enjeux des réglementations, qui font souvent l'objet d'une lutte féroce, ralentissant leur entrée en vigueur ou les rendant carrément inapplicables. C'est notamment le cas de la RT 2012, qui subit les contestations de différents lobbies cherchant à gagner des parts de marchés ou bien à les sécuriser. Il s'agit d'ailleurs du leitmotiv des deux députés PS à l'origine du projet de réforme : réduire le nombre de normes inapplicables qui brouillent la lecture des réglementations.

Des dangers du "simplisme"

Mais voilà, si un certain nombre de réglementations sont effectivement criticables, il existe moultes autres normes qui remplissent un rôle fondamentale, notamment dans le bâtiment. Bien souvent, elles garantissent la sécurité des bâtiments, la qualité des réalisations,le respect de l'environnement. Elles protègent également les populations et les milieux, à l'instar des zones inondables, dont l'administration est due aux collectivités territoriales, et dont le respect aurait pu éviter des drames, comme lors de la tempête Xynthia.

L'Association des Paralysés de France (APF) s'était d'ailleurs inquiétée auprès de Cécile Duflot de savoir si la simplification n'allait pas entraîner la remise en cause des normes des bâtiments en matière de handicap, jugées trop contraignantes par les constructeurs. Cette interrogation, légitime, est particulièrement symptomatique de la problématique posée par la réforme : quelles sont les normes à simplifier, à éliminer, à conserver ?

De plus, certaines normes et réglementations sont devenues un faire-valoir pour des entreprises du BTP, révélatrices de la qualité de leurs travaux. La plupart d'entre elles ont d'ailleurs investit des milliers d'euros pour former leurs salariés et obtenir les savoir-faires. La disparition de nombreuses normes, nécessaires et appliquées, livreraient ces sociétés, ces bons élèves, à la concurrence déloyale de sociétés étrangères n'ayant pas les mêmes exigences. A l'inverse, les sociétés françaises seraient-elles, par la suite, à même de satisfaire aux exigences d'autres pays étrangers ? Les dangers de la simplification, quant elle confine au simplisme.

La guerre aux normes, une arlésienne ?

Au delà de la novlangue, le choc de simplification est un vieux fantasme de la vie politique française, toujours enclin à dénoncer l'inflation normative, mais très prompte, face aux événements et faits divers, à décréter de nouvelles lois. Le BTP a besoin de voir le poids de l'administration se réduire, mais nécessite également un cadre normatif exigeant. Or aujourd'hui, rien ne permet de distinguer dans les déclarations des ministres la manière dont sera effectivement opéré cette réforme.

En fait, le choc de simplification pose deux problèmes principaux. Il décevra si, d'une part, il se borne à la déclaration d'intentions et n'élimine que les normes les plus absurdes, du genre de celles qui ne sont déjà plus appliquées par les collectivités. Il décevra, d'autre part, si soumis à la pression et à l'influence des intérêts particuliers, il en oublie l'intérêt général et les réglementations qui font évoluer la société, à l'image, par exemple, des normes pour l'accès des handicapés aux bâtiments.

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