jeudi 2 mai 2013

La RT 2012 et le calcul des lobbyistes

La RT 2012, en proie aux polémiques et aux lobbyistes.
La RT 2012, à peine entrée en vigueur, serait-elle déjà morte ? Ou s'agit-il juste d'une énième polémique dans le long et douloureux accouchement de cette réglementation, conçue dans l'enthousiasme et les nimbes d'optimisme du Grenelle de l'Environnement ? Comme souvent, la seconde analyse reste la plus plausible, et s'explique par le déplacement des enjeux : censée incarner l'instrument central de la révolution énergétique français, la RT 2012 a été livrée dans l'arène des lobbyistes. D'où les nombreux délais pour une réglementation technique qui n'a pas encore remporté la bataille des esprits.

En apparence, l'objectif de la RT 2012 est relativement simple : réduire la consommation énergétique des bâtiment de 150 kWh/m2/an (pour la RT 2005), à 50 kWh/m2/an, soit une division par trois. Mais comme le dit (presque) le dicton populaire, c'est plus facile à décréter qu'à faire. Or, si la nécessité d'une telle réglementation était reconnue par tous, les moyens d'y arriver, eux, étaient encore sujets à discution, à négociation même. Et l'inévitable ouverture du débat aux "acteurs sociaux" à plonger la future réglementation dans le grand cirque du lobbying, à savoir les couloirs du Ministère de l'Ecologie et du Développement Durable.

Les enjeux économiques de l'instrument de la révolution énergétique française

La RT 2012, centrée sur le logement, se veut l'instrument principale de la révolution énergétique en France. En effet, le bâtiment est le secteur le plus consommateur en énergie, avec 42,5 % de la consommation finale totale, et est responsable de 23 % des émissions de gaz à effets de serre. De plus, dans un contexte de réduction du pouvoir d'achat des ménages, la facture annuelle de chauffage apparaît de plus en plus importante : 1200 € pour un domicile mal isolé !

Les enjeux économiques apparaissent alors clairement. En France, entre la construction de maisons BBC et la rénovation thermique des logements, c'est un marché de plusieurs centaines de millions d'euros qui se précise. Une aubaine pour les entreprises du bâtiment capable d'offrir ce type de services, comme pour les fabricants d'isolants en tout genre et les promoteurs des méthodes passives (qui, au passage, s'étaient déjà exprimés à travers le l'Institut pour la Conception Environnementale du Bâti (ICEB) dès 2010, trouvant que la RT 2012 ne faisait pas assez la part belle aux solutions passives).

Le champs de bataille de la RT 2012

Mais l'armée des partisans du contrôle de l'énergie et des énergies renouvelables n'est pas la seule engagée sur le champs de bataille. Les partisans de méthodes traditionnelles, en position défensive, cherchent également à préserver leurs parts de marchés. Forts d'une longue tradition de lobbying (et surtout des moyens qui vont avec), ils ont été capables de monter des structures, comme l'association Equilibre des énergies, pour défendre leur point de vue, à l'image des pro-chauffage électrique, comme EDF, dénoncée par Que choisir ?. Parfois, ces méthodes vont même jusqu'à l'infiltration des instances décisionnaires par des salariés de sociétés concernées !

La principale conséquence de ces tactiques résulte plus en un ralentissement général du processus décisionnaire et de la mise en place de la réglementation, que dans une révolution des objectifs et des méthodes. L'exemple le probant est celui du dernier recours posé par le Groupement Interprofessionnel des Fabricants d'Equipement Ménagers (GIFAM). Ce dernier accuse en effet la méthode de calcul d'être en défaveur du chauffage électrique, ce que conteste d'ailleurs Marie-Christine Bureau, chef du Bureau de la qualité technique et de la réglementation technique de la construction. Au delà de la polémique technique, cette actualité est révélatrice des jeux de pouvoir dissimulés aux yeux de profanes dans un tel projet, et révèle la dimension néfaste de ces actions.

Symptomatique de la France de la deuxième décennie XXIème siècle

Faut-il être choqué par cette importance du lobbying ? Les esprits idéalistes préféreraient qu'une commission composée d'experts indépendants et incorruptibles prennent les décisions. Mais, au delà du fait que la décision d'ordre technocratique est bien peu démocratique, la RT 2012 symbolise toute la complexité du processus décisionnel mis en place par le Grenelle de l'Environnement, pris dans le sandwich classique français, entre deux tranches de conceptions de la démocratie, entre l'intérêt général et l'intérêt commun. Une réglementation, qui d'ailleurs n'emporterait pas l'adhésion de l'ensemble des parties concernées, aurait peu de chances d'aboutir. Il faut donc bien s'accomoder du lobbying, dans la mesure où il se borne à des limites légales, et en espérant qu'il fasse émerger des arguments sensés et légitimes. Mais, retard ou pas, la RT 2012 se doit de gagner les esprits (plutôt que les coeurs). Peut-être en faisant d'une telle réglementation une mesure d'urgence pour relancer le secteur du bâtiment...

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