jeudi 10 octobre 2013

Batimat 2013, une institution en péril ?


Batimat 2013 (crédit : batimat.com)

Du 4 au 9 novembre 2013 se tient la 29ème édition du salon Batimat. Principale référence mondiale des salons de la construction, il rassemble tous les deux ans les professionnels (maîtres d’œuvre, maîtres d’ouvrage, entrepreneurs et distributeurs), français et étrangers, venus présenter leurs derniers produits, matériels innovants et services. Mais loin du dynamisme habituel, cet événement incontournable est gagné, à l'image du pays, par la langueur et la crise. Et sa délocalisation à Villepinte n'arrange pas les choses... 

Ces dernières années, les enjeux énergétiques que connaît la société, et donc le secteur du bâtiment, ont servi de leitmotiv à Batimat, permettant ainsi aux acteurs d’échanger, de faire émerger des solutions techniques pertinentes afin de répondre aux différentes normes et lois relatives aux constructions et rénovations durables (RT 2012 pour ne parler que d’elle). L’édition 2013 ne déroge pas à la règle avec quatre thèmes centraux : la performance énergétique, la basse consommation, l’accessibilité et le confort d’usage des bâtiments ainsi que la forte dimension technologique de la construction. L’organisateur, Reed Expositions France, filiale du numéro un mondial des salons, le Britannique Reed Exhibitions, table sur 3 500 exposants et 400 000 visiteurs. Plus que jamais, l'institution Batimat participe pleinement à la vie du secteur et demeure un rendez-vous biennal incontournable. Pourtant, cette optimisme laisse songeur. En effet, de plus grand événement mondial, dans les années 1980, avec plusieurs dizaines de pays représentés, Batimat semble végéter voire dépérir. Et la crise n’est pas la seule explication.

Les dernières éditions en demi-teinte, 2013 sur la même pente ? 

En effet, l’édition 2009 a connu une baisse de 15 % de la fréquentation par rapport à celle de 2007, conjuguée à une baisse de 15 % du nombre d’exposants (2400 exposants présents à Batimat en 2009). A l'époque, la crise était l'excuse toute trouvée, et cela était d’autant plus compréhensible que l’édition 2007 s’était déroulée alors que le secteur tournait à plein régime. La chute de fréquentation de 2009 n’en avait été que plus rude.

Devant ce constat, et pour booster l’édition 2011, les organisateurs ont programmé divers évènements afin de répondre à l’attente des visiteurs. Ainsi, ils attendaient 380 000 visiteurs, pour environ 2 280 exposants. In fine, malgré une forte progression des visiteurs clés (décisionnaires prescripteurs et les entrepreneurs/artisans), la fréquentation globale a été en baisse de 7,5 % par rapport à 2009, soit 350 000 personnes. Le nombre de fabricants a même chuté de 30 % ! 

Bilan Batimat 2011

Source : Le Moniteur. 

Pour l’édition 2013, la conjoncture n'est pas meilleure et il se dit que certains grands noms du secteur seront absents, préférant se concentrer sur d’autres évènements ou se focaliser sur d’autres moyens/vecteurs pour présenter leurs produits aux maîtres d’œuvre, artisans, etc. Le marketing se joue désormais en coulisse et sur Internet. Dès lors, il n’est pas surprenant d’apprendre que les prix des stands connaissent, ces derniers temps, une grosse décote pour remplir le salon… au détriment des premiers arrivés qui ont payés plein tarif et peuvent se sentir lésés. Mais au-delà de cette tendance baissière des dernières éditions, deux changements majeurs apparaissent pour 2013 : le lieu et un nouveau concept. 

Le déménagement et le nouveau concept de Batimat suscitent la défiance. 

Pour l’édition 2013, le parc des expositions de Paris-Nord Villepinte se substitue à l’historique Paris Expo Porte de Versailles, bien connu des habitués. Pour les professionnels du bâtiment, la pilule a du mal à passer mais la responsabilité de Reed Expositions n'est pas engagée : en effet, c'est le réaménagement du site qui est à l'origine de la délocalisation. Le projet n'en est qu'à ses débuts, mais le Hall 1 doit être démoli afin d’y construire la si décriée Tour Triangle. Les critiques, s'il y en a, peuvent se tourner vers le maître d’ouvrage Unibail-Rodamco.

Qui plus est, Villepinte, le nouveau lieu, où se déroulent les plus grands salons professionnels internationaux organisés en France, semble avoir de nombreux atouts : modernisation ces dernières années, confort de visite, bonne connexion entre les halls, etc. S’il ne devait avoir qu’un seul défaut, ce serait celui-ci : son éloignement de Paris. Quand on sait que 80 % des visiteurs de Batimat sont français, dont les deux-tiers de province, mixant venue au salon et visite/flânerie dans la capitale, on peut se demander si cela ne va pas les rebuter. Que fait-on à Villepinte de 18h à 9h ? On passera également sur les transports pour s’y rendre, et le fameux RER B, en grève ce vendredi 11 octobre.

Toutefois, ce n'est pas le plus gênant. Non, le vrai problème, c'est le nouveau concept de Batimat servi par l'organisateur. En effet, l’édition 2013 s’additionne de deux salons : d’une part, Interclima+Elec, dédié aux solutions pour l’efficacité énergétique et le confort, ce qui permet de crédibiliser le thème des enjeux énergétiques du bâtiment. D’autre part, Idéo Bain, qui est le salon des nouvelles salles de bains.

On en reste bouche bée. Reed Expositions a-t-il voulu réduire les coûts et faire trois salons en un, au risque d’une perte de repères pour les visiteurs ? Cela n’ouvre-t-il pas la voie à de futures éditions Batimat très édulcorées, moins centrées sur les professionnels du secteur, mais dont l’objectif serait d’attirer un public plus large – non professionnel – et qui donnerait plus de visibilité… et de rentabilité ? Sans parler du lieu des prochaines éditions, Villepinte semblant acquis pour 2015 et 2017 (et la fin programmée des travaux de la Tour Triangle). L’avenir nous le dira… 

Batimat 2013, l’occasion rêvée – mais gâchée – des professionnels du BTP pour se faire entendre. 

Batimat 2013 aurait pu être synonyme de coups médiatiques et politiques, rassemblant les acteurs de la profession sur un lieu unique et donnant du poids aux revendications. Une manifestation d’envergure des artisans mais aussi des membres de la FFB aurait été symbolique. Mais qui y croient aujourd’hui ? La grande journée de manifestation de la CAPEB, en septembre, a connu un bilan mitigée, notamment du fait d’une multitude de sites d’action. La CAPEB en a-t-elle pris conscience ? Rien n’est moins sûr…

Or, le paradoxe est le suivant : historiquement gros pourvoyeur d’emplois, le bâtiment a du mal à se faire entendre. Plus grave, son salon phare, Batimat, voit peu de personnalités politiques (ministres, secrétaires d’Etat, députés, etc.) alors que le salon de l’agriculture est le défilé annuel de l’ensemble du monde politique, dont le Président de la République. Pourtant, les sujets de dialogue – de discordes – ne manquent pas : l’ALUR, la pénibilité au travail ou encore la TVA. Mais qui parirait sur la venue de Cécile Duflot (Ministre du Logement), de Michel Sapin (Ministre du travail) ou de Pierre Moscovici (Ministère de l’Economie) ?

Le Batimat version 2013 ne reflète pas seulement la défiance des professionnels vis-à-vis de l’organisateur mais pose également la question de l’efficacité des grandes fédérations professionnelles à se faire entendre sans tomber dans la caricature. Il est le reflet d'un secteur en souffrance qui peine à trouver un second souffle.

Nous suivre sur Twitter : @Bati2030


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

N'hésitez pas à poster vos commentaires et avis !